Le troisième Institut d’apprentissage de BioCanRx et de l’Alliance des intervenants contre le cancer a eu lieu cette année au Sommet sur l’immunothérapie du cancer. Cette initiative a réuni des chefs de file représentant les patients et les soignants ainsi que du personnel hautement qualifié (PHQ) dans le cadre d’un programme interactif et coopératif d’échange des connaissances. Nous avons demandé à deux des participants, une patiente-experte et un chercheur universitaire, de nous parler de leur expérience.
Participation du point de vue des patients et des soignants
Par : Taylor Wheatley, IA, Alberta Health Services
En 1996, un an après le début de mon traitement pour une LAL pédiatrique, je me souviens très bien d’avoir parlé à une conférence avec mes parents, et cette conférence en anglais portait sur les « jeans ». Qu’est-ce que les « jeans » et le cancer ont en commun? Je savais que ces médecins et ces gens étaient intelligents, mais sérieusement, je ne pouvais pas faire le lien. J’étais très versée dans le jargon anglais du cancer, même à cet âge. J’étais ma propre experte! Mais à l’âge de six ans, mes connaissances étaient tout de même limitées et je croyais qu’ils étaient fous; les « jeans », c’est ce qu’on porte.
Mon histoire sur les « jeans » est demeurée gravée dans ma mémoire et elle reflète vraiment l’essence de l’expérience que m’offre l’Institut d’apprentissage. Je suis maintenant infirmière autorisée en hématologie et en greffe de moelle osseuse et j’étudie pour obtenir une maîtrise. En tant que patiente, j’étais l’experte de mon propre monde, mais maintenant, en tant que patiente-experte et infirmière, je considère que les chercheurs sont les experts des nouveaux traitements novateurs, pas moi. Lorsqu’on m’a demandé de participer à ce sommet en tant que patiente-experte, je ne savais pas trop ce que cela signifiait : assister à des séances avec un chercheur universitaire et apprendre? Je peux faire cela. Donner mon avis sur la compréhensibilité de la séance pour les profanes? Ces gens sont des experts, vous plaisantez, ils se fichent de ce que j’ai à dire! Avec du recul, je peux dire que mon expérience a été beaucoup plus enrichissante que je le pensais; c’était une collaboration fondée sur la compassion à son meilleur, et ce, afin que la confusion au sujet des « jeans » ne soit plus jamais un obstacle. Je parle sans cesse de ce partenariat avec mes collègues et mes patients.
Très souvent, le collectif « nous » est utilisé pour parler du traitement du cancer, des remèdes et de la recherche comme si le cancer était une « chose » que tout le monde comprend et à laquelle tout le monde peut donner un sens. Mais ce n’est pas le cas. Le cancer est une maladie complexe qui peut être mortelle, et les traitements sont quelque chose que nous devons subir si nous voulons survivre. Les personnes atteintes de cancer se préoccupent d’une seule chose : un remède. Mais le prix à payer est élevé, comme nous en avons discuté de façon si poignante lors du Sommet. J’ai trouvé que le groupe d’experts de la séance plénière sur l’innovation, l’accès et l’abordabilité avait humanisé les discussions précédentes sur tous les traitements nouveaux et novateurs. Le langage simple et la pertinence des séances ont fait en sorte que les séances étaient faciles à comprendre pour une patiente-experte. On y a également souligné la nécessité d’inclure les patients dans la recherche.
Ce sommet m’a permis de constater que les patients et les familles ont leur mot à dire et que nous avons beaucoup à enseigner aux chercheurs. Après avoir vécu le cancer, pour ma part, j’ai toujours eu un besoin indéniable de redonner à notre communauté. Le traitement des personnes atteintes de cancer ne concerne pas les individus, il nécessite des partenariats par la création d’une communauté. En tant que clinicienne, j’utilise souvent l’expression « soins centrés sur le patient », mais après avoir écouté quelques exposés à la conférence de BioCanRx, je ne sais pas si ce concept de « patients » et de « soins » s’étend à la recherche fondamentale en laboratoire. Cependant, je crois que c’est possible. Tout au long de ce sommet, j’ai constaté un apprentissage bidirectionnel collaboratif dans lequel les deux groupes de participants, les patients-experts et les chercheurs universitaires, ont appris activement les uns des autres. Je pense qu’il s’agit d’un élément unique et nécessaire de l’application des connaissances.
Collectivement, nous devons renforcer nos capacités afin de combler le fossé entre les chercheurs qui font preuve d’une grande compassion et qui mettent au point de nouveaux traitements pour les personnes atteintes de cancer, les personnes qui administrent ces nouveaux traitements et les patients prêts à participer à la recherche. Je crois que pour combler les écarts et les lacunes dans la recherche et l’application des connaissances, il ne suffira pas de traduire la nomenclature et de faire participer les patients-experts au Sommet, il faudra aller plus loin. Nous avons besoin d’un effort conscient de la part des chercheurs pour inclure les principaux intervenants – les patients – à toutes les étapes du développement, du laboratoire aux essais cliniques, puis aux traitements médicaux standard. Après tout, si je pensais que les « gènes » étaient des « jeans », de quelle façon nos partenaires non universitaires comprennent l’application de ces connaissances? Pour que les patients puissent participer plus efficacement à toutes les phases du développement, nous ne pouvons pas continuer à faire ce que nous avons toujours fait, c’est-à-dire nous attendre à ce que les patients acceptent un essai parce qu’il est nouveau et novateur.
Les partenariats créés par l’Institut d’apprentissage lors de cette conférence doivent s’étendre au-delà de la conférence et prendre des mesures pour collaborer à toutes les étapes d’élaboration des essais. La collaboration est essentielle à l’avancement de cette recherche novatrice; les possibilités qu’elle offre, et qu’elle offrira, pour les projets de recherche futurs sont passionnantes.
Participation du point de vue d’un membre du PHQ de BioCanRx
Par : Etienne Melese, BSc, candidat au PhD, département de microbiologie et d’immunologie, Université de la Colombie-Britannique
Lorsqu’on m’a invité à participer à l’Institut d’apprentissage (IA) du Sommet sur l’immunothérapie du cancer, j’ai été enthousiaste et reconnaissant de cette opportunité. En tant que candidat au doctorat en immunologie du cancer, il est surprenant que je n’aie presque jamais eu l’occasion d’interagir directement avec les patients. Puisque ma carrière est motivée par mon expérience personnelle du cancer, j’ai trouvé encourageant de voir une conférence portant sur un aspect souvent manquant dans notre façon d’aborder la recherche translationnelle. Grâce à mon expérience en tant que soignant principal de ma mère durant son cancer, j’ai pu aborder ma recherche sous deux angles : celui d’un universitaire et celui d’un défenseur des intérêts des patients. Cependant, comme pour beaucoup d’autres étudiants diplômés, le stress, les échecs et, en fin de compte, les succès de la recherche sur le cancer ont éclipsé mon objectif d’aider les patients. En tant que membre de l’Institut d’apprentissage, ma volonté de défendre les intérêts des patients m’a aidé à comprendre l’importance du partage et de l’intégration de la perspective des patients dans ma propre recherche et celle de bon nombre de mes collègues. Dans l’ensemble, le fait de faire partie d’un groupe de défenseurs des intérêts des patients a renforcé mon engagement à intégrer à ma carrière universitaire le point de vue des patients et la diffusion des résultats scientifiques dirigée par les patients.
La réussite de l’Institut d’apprentissage reposait sur le système de jumelage. J’étais jumelée à Patricia Pitts, qui défend aussi les droits des patients et qui a été soignante de deux amies proches décédées du cancer de l’ovaire. Le partenariat avec Patricia m’a offert l’occasion unique de communiquer des données scientifiques et de diffuser les principales conclusions des exposés présentés à la conférence. En tant que chercheur universitaire de l’IA, j’ai travaillé avec Patricia pour traduire les principales conclusions scientifiques de chaque séance plénière, qui seront présentées dans un rapport de diffusion sur la conférence et rédigées grâce à une collaboration entre patients-experts et chercheurs universitaires. La vaste gamme de sujets sur l’immuno-oncologie abordés au Sommet a donné lieu à des discussions à l’Institut d’apprentissage sur les thérapies actuelles (c.-à-d. les thérapies à base de cellules CAR-T, les cellules TCR-T et les virus oncolytiques) et la recherche fondamentale pour valider les immunothérapies qui seront utilisées dans les essais cliniques. En interprétant les recherches passionnantes en cours et les principaux messages à retenir du Sommet, Patricia et moi avons communiqué et avons pu partager nos propres points de vue sur plusieurs domaines, dont l’immunologie et les thérapies contre le cancer décrites à la conférence. Dans le cadre de l’Institut d’apprentissage, chaque binôme a présenté sa propre interprétation et ses propres conclusions sur chaque conférence et séance, ce qui a donné lieu à des discussions stimulantes et ce qui nous a permis d’établir la liste des moyens qui peuvent être utilisés pour améliorer la communication des sciences et des découvertes lors de ces conférences. L’un des principaux messages retenus à la suite des séances a été l’importance d’intégrer le point de vue des patients à la conception des essais cliniques et à la façon dont le milieu de l’immuno-oncologie présente ses recherches scientifiques au grand public.
Souvent négligées dans le domaine de la recherche sur le cancer, la perspective et la participation des patients sont essentielles pour déterminer la voie à suivre dans ce domaine et les objectifs d’avenir de la recherche en immunologie du cancer. Tous les étudiants des cycles supérieurs et tous les chercheurs principaux en recherche translationnelle sur le cancer devraient entendre les perspectives et les connaissances présentées à l’Institut d’apprentissage BioCanRx, car elles étaient représentatives des lacunes existantes en ce qui concerne la façon dont les chercheurs communiquent leurs résultats aux patients. En fin de compte, l’Institut d’apprentissage a été un excellent exemple du chemin parcouru dans le domaine de l’immunothérapie contre le cancer, ainsi que du chemin qu’il reste à parcourir pour intégrer les patients à la recherche qu’ils pourraient un jour utiliser. En bref, je remercie l’Institut d’apprentissage de m’avoir permis, en tant qu’étudiant diplômé, de ne pas oublier à quel point la recherche en immunologie du cancer est fascinante et importante, et surtout la raison pour laquelle nous effectuons cette recherche, c’est-à-dire pour les patients mais aussi avec les patients, grâce à ce programme.