Pour gagner la partie, il faut s’assurer que les immunothérapies atteignent chaque fois leur objectif

Par Heather Blumenthal

 

Un cancer du sein triple négatif (souvent abrégé par CSTN), ça ne sonne pas bien. Le nom pourrait porter à croire que la partie est perdue d’avance.

 

Au départ, ça n’a rien de positif. En effet, 10 à 20 % des femmes canadiennes diagnostiquées avec un cancer du sein sont de type triple négatif. Cela signifie que les trois récepteurs les plus communs pour le cancer du sein (l’œstrogène, la progestérone et le gène HER-2/Neu) ne sont pas présents. Par conséquent, cela implique que les traitements à base de médicaments qui ciblent ces récepteurs ne fonctionneront pas, forçant les patientes à se tourner vers la chimiothérapie.

 

« Et ce n’est pas bon non plus », déclare Sam Workenhe, Ph.D, de l’Université McMaster. La chimiothérapie est « associée à plusieurs effets indésirables », incluant une incidence sur la qualité de vie future, ce qui s’avère préoccupant puisque ce sont souvent les jeunes femmes qui sont diagnostiquées avec un CSTN.

 

D’autres mauvaises nouvelles? Les tumeurs CSTN, plus précisément les inhibiteurs du point de contrôle, ne répondent pas bien aux immunothérapies, qui sont destinées à réduire la résistance de la tumeur aux attaques du système immunitaire. Leur défense est trop élevée.

 

Sam Workenhe travaille en collaboration avec Karen Mossman, Ph.D, aussi de l’Université McMaster et chercheuse principale sur un projet catalyseur subventionné par BioCanRx (Criptage de l’ensemble du génome CRISPR/Cas9 invivo pour identifier les gènes qui limitent le blocage du point de contrôle en immunothérapie contre le cancer du sein triple négatif) qui vise à améliorer les chances de survie des femmes avec un CSTN. Le but du projet est d’utiliser des tests génétiques pour déterminer quels gènes permettront aux tumeurs CSTN de résister aux attaques du système immunitaire, rendant les inhibiteurs du point de contrôle plus efficaces, pour ainsi démanteler la défense d’une tumeur.

 

Et les résultats indiquent que l’équipe est sur la bonne voie. Les lymphocytes T cytotoxiques, qui détruisent les tumeurs en reconnaissant et en se liant aux antigènes tumoraux, sont présents en nombre raisonnable dans les tumeurs CSTN. Le problème est que ces cellules T cytotoxiques ne sont pas en mesure de trouver les antigènes en question puisque les cellules cancérigènes parviennent à se camoufler et à sécréter des molécules qui inhibent la fonction de ces cellules T cytotoxiques.

 

Alors voilà notre défi : « identifier toutes les molécules ayant des effets suppressifs sur le système immunitaire que les tumeurs utilisent pour esquiver l’immunothérapie », mentionne M. Workenhe.

 

Pour ce faire, l’équipe se tourne vers l’une des technologies de modifications génétiques les plus innovantes et prometteuses qui existe : CRISPR/Cas9. Cette technologie est adaptée aux études de criblage à haut débit et permet d’accélérer le processus visant à identifier les gènes pertinents sur mélanges d’échantillons.

 

« Une étude complète du génome nous donne beaucoup d’information », déclare M. Workenhe.

 

En ayant utilisé CRISPR/Cas9 pour cibler les gènes importants et en profitant de l’habileté de Cas9 à modifier et à éliminer des gènes à des emplacements très précis, l’équipe de recherche utilisera les tumeurs avec ces gènes modifiés pour vérifier si ceux-ci sont en mesure de mieux pénétrer et détruire la tumeur grâce aux lymphocytes T réactivés, rendant les tumeurs plus sensibles à l’immunothérapie. L’équipe étudiera comment l’élimination ou la modification des cellules qui échappent au système immunitaire impacte les différents niveaux de lymphocytes T cytotoxiques et leurs effets sur la régression de la tumeur, la prévention de tumeurs métastatiques (lorsque la tumeur se répand dans d’autres parties du corps), le taux de survie et si la destruction de certains gènes permet une meilleure protection à long terme.

 

« Nous souhaitons utiliser les résultats de notre criblage génétique pour améliorer la proportion des patientes qui réagissent bien aux traitements d’immunothérapie », mentionne Sam Workenhe.

 

Puisque le modèle de souris que l’équipe étudie représente bien le CSTN chez l’humain, Mme Mossman croit que les découvertes pourront être transposées sur les patients. Les prochaines étapes seront de tester les ensembles génétiques modifiés des tumeurs provenant de patients sur les souris humanisées, avant de passer aux essais cliniques sur les humains.

 

C’est à ce moment que Mme Mossman affirme que BioCanRx aura un rôle important à jouer, qui consistera à rassembler les scientifiques et les cliniciens et à leur offrir un soutien afin qu’ils puissent collaborer et transposer les découvertes de laboratoire en clinique, et ainsi améliorer les chances de survie et la qualité de vie des femmes atteintes de CSTN.

 

On pourra ensuite célébrer. Karen Mossman croit que la pertinence de cette recherche s’étend bien au-delà de la découverte d’un type de traitement spécifique qui pourra traiter un seul type de cancer. Elle pense que les résultats de ces expériences pourront s’appliquer non seulement en combinaison avec les inhibiteurs du point de contrôle, mais également avec les autres immunothérapies cliniques.

 

« Il faut savoir que les nombreuses découvertes de cette recherche ne s’appliquent pas uniquement au CSTN », ajoute-t-elle.

 

« Tous les apprentissages que nous faisons nous permettront de solutionner d’autres types de cancers. »

 


 

Heather Blumenthal écrit au sujet de la santé et de la recherche en santé depuis une vingtaine d’années et n’a jamais cessé d’être fascinée par les progrès qu’accomplissent les chercheurs canadiens.