Un nouveau partenariat renforce la biofabrication au Canada

Par Heather Blumenthal

 

Au Canada, la biofabrication est un peu la « saveur du mois », son importance étant devenue évidente lorsque le Canada s’est avéré incapable de fabriquer les vaccins si essentiels à la lutte contre la COVID-19.

 

Cependant, pour BioCanRx, on peut dire que la biofabrication est un enjeu existant depuis sa création. Bien avant la création de BioCanRx, en 2014, son fondateur et directeur scientifique, le Dr John Bell, avait pour projet de produire les virus oncolytiques dont il avait besoin pour faire avancer ses recherches. C’est ainsi qu’est né le Centre de fabrication de produits biothérapeutiques (CFB), qui fait partie de l’Hôpital d’Ottawa. L’histoire de BioCanRx est irrévocablement liée à celle du CFB, car le CFB était – et est toujours – la seule installation au Canada capable de fabriquer des virus oncolytiques selon les normes des bonnes pratiques de fabrication (BPF) pour les essais cliniques financés par BioCanRx.

 

Aujourd’hui, les deux entités basées à Ottawa ont signé un protocole d’entente en vue d’un partenariat de biofabrication avec l’Alberta Cell Therapy Manufacturing (ACTM) afin de collaborer à l’amélioration de la capacité du Canada à fabriquer des vaccins, des thérapies géniques, des thérapies cellulaires et autres. Selon Stéphanie Michaud, présidente-directrice générale de BioCanRx, il s’agit là d’un élément extrêmement important.

 

« L’énoncé de mission de BioCanRx nous demande d’accélérer l’arrivée des immunothérapies les plus prometteuses en clinique », dit-elle. « Pour ce faire, il faut soutenir la capacité de produire des virus et d’autres produits biologiques, conformément aux normes BPF, ici au Canada. Dès le début, nous avons reconnu que pour assurer cette accélération, nous devions investir dans notre capacité à servir tous nos chercheurs. »

 

« Lorsque nous avons appris que le programme du RCE (la source de financement de BioCanRx) ne serait pas renouvelé, nous avons redoublé d’efforts pour développer nos installations de base et les rendre durables. Même après que notre budget ait été réduit de 40 %, cela est resté une priorité cruciale. »

 

« La biofabrication va de pair avec notre programme de recherche, nos essais cliniques », ajoute la Dre Michaud. « Ce partenariat (avec l’ACTM) est un excellent exemple d’approche en réseau pour atteindre nos objectifs. C’est un partenariat gagnant-gagnant-gagnant. »

 

« C’est cette chose merveilleuse qui se produit lorsque les forces sont alignées. »

 

L’entente est née, comme tant d’autres choses, d’une conversation lors d’une conférence. C’était une rencontre d’esprits. Le CFB avait besoin d’espace pour élargir son offre et réaliser ses projets. L’ACTM disposait de l’espace et d’un personnel hautement qualifié expert en BPF, le processus par lequel les fabricants peuvent garantir que leurs produits sont purs, sûrs et efficaces pour une utilisation chez l’homme.

 

Ces installations ont toutes été mises au point grâce au financement de la Fondation canadienne pour l’innovation. Cette collaboration, dit la Dre Michaud, contribuera à faire en sorte que le Canada tire le maximum de profit de cet investissement.

 

Selon la Dre Michaud, un des aspects positifs de la pandémie de COVID-19 est que tous se sont rendu compte de l’importance de la biofabrication. Mais cette prise de conscience n’est que la première étape. La mise en place d’une capacité de biofabrication est une tâche extrêmement complexe et « la construction d’un nouveau bâtiment lumineux et éclatant ne représente qu’un quart du chemin à parcourir ». Pour fabriquer des virus ou des vaccins destinés à être utilisés chez l’homme, il faut disposer de salles blanches et d’une ventilation spéciale, nécessaires pour travailler dans des conditions de BPF. Il faut également disposer d’un personnel formé aux BPF en biofabrication, ce qui est en soi extrêmement complexe. Enfin, il faut mettre en place des processus permettant de documenter chaque étape, afin de démontrer la conformité aux BPF.

 

C’est l’avantage de ce nouveau partenariat, dit la Dre Michaud. « Le temps requis pour l’accélération avec la construction d’un nouveau bâtiment n’existe tout simplement pas. »

 

Cela signifie que les partenaires se lancent dans l’action. Ils travaillent ensemble, par exemple, sur une thérapie génique potentiellement curative pour le déficit en lipoprotéine lipase, une maladie héréditaire rare où les patients sont dépourvus d’une enzyme qui aide l’organisme à décomposer les graisses alimentaires. Cela peut entraîner des problèmes au niveau du pancréas et de l’athérosclérose. Cette maladie est plus fréquente au Québec, en raison de l’effet fondateur (manque de variété génétique attribuable au fait que la population descend d’un petit nombre de fondateurs).

 

D’autres projets portent sur la fabrication de cellules souches mésenchymateuses pour le traitement du choc septique (causé par une réaction excessive du système immunitaire à une infection) et, en partenariat avec la société Entos Pharmaceuticals de l’Alberta, sur les essais cliniques d’un vaccin potentiel contre la COVID-19.

 

Le partenariat a également permis aux deux centres de demander des fonds fédéraux supplémentaires par l’intermédiaire du programme Défi en santé du Conseil national de recherches du Canada. Les capacités de toutes les organisations ont joué un rôle essentiel dans l’obtention de ce financement important qui permettra de faire progresser les nouvelles thérapies pour les patients canadiens.

 

Nous pouvons également réaliser d’énormes économies en n’ayant pas à nous tourner vers les États-Unis pour obtenir des produits finis qui peuvent être utilisés chez l’homme. Par exemple, pensez à la façon dont les vaccins voyagent du laboratoire au cabinet de votre médecin – ils arrivent dans de minuscules flacons de verre, prêts à être utilisés. Auparavant, cette étape de « remplissage-finition » devait être effectuée aux États-Unis, à un coût énorme. L’ACTM est en train d’acquérir cette capacité de remplissage et de finition. Grâce à ses services, les virus oncolytiques utilisés dans les projets de recherche de BioCanRx peuvent être mis à la disposition des patients beaucoup plus rapidement et à moindre coût.

 

L’objectif à long terme du partenariat est d’assurer la pérennité des deux installations, en offrant une ressource essentielle pour la recherche et le traitement, longtemps après que BioCanRx aura cessé d’exister – ou lorsqu’il n’y aura pas de pandémie qui fera ressortir la nécessité d’avoir la capacité de bioproduction ici au Canada.

 

« Ces deux installations seront encore nécessaires lorsque l’attention se portera ailleurs – comme ce sera le cas »”, affirme la Dre Michaud. « Ce partenariat permet aux deux organismes d’atteindre le Saint Graal de la durabilité. »

 


 

Heather Blumenthal écrit au sujet de la santé et de la recherche en santé depuis une vingtaine d’années et n’a jamais cessé d’être fascinée par les progrès qu’accomplissent les chercheurs canadiens.