Par Heather Blumenthal
Si vous vous souvenez du film Le Lauréat (version française de The Graduate), vous vous souvenez qu’à un moment donné, Dustin Hoffman se fait dire qu’il y a un grand avenir dans le plastique.
Aujourd’hui, là où il y a un grand avenir en immunothérapie, c’est dans le traitement d’association — associant un inhibiteur du point de contrôle immunitaire, qui empêche les cellules cancéreuses de bloquer les attaques du système immunitaire, à un traitement qui, après avoir franchi cet obstacle dans la cellule cancéreuse, entraîne une attaque immunitaire plus forte — le traitement du cancer d’une pierre deux coups.
Le problème est qu’un traitement d’immunothérapie unique est extrêmement coûteux et que deux traitements ensemble le sont doublement. À cela s’ajoute l’incapacité de savoir à l’avance quels patients bénéficieraient de traitements d’association particuliers; les résultats sont laissés au hasard et sont à la fois coûteux financièrement, mais coûteux aussi pour les patients qui subissent des traitements peu susceptibles de fonctionner pour eux.
Il serait avantageux que les oncologues puissent savoir à l’avance lesquels de leurs patients bénéficieraient du traitement et lesquels ne réagiraient pas, car voilà un autre problème : chaque tumeur est unique et chaque patient l’est aussi. Il n’existe pas d’approche unique valable pour tous.
C’est ce qui rend si important l’essai clinique du Dr Glenwood Goss. Directeur de la recherche clinique au Centre de cancérologie de L’Hôpital d’Ottawa, le Dr Goss est le chercheur principal du premier essai clinique d’une association d’Avelumab, un inhibiteur du point de contrôle immunitaire, et d’un mimétique de SMAC appelé Debio1143, qui induit une mort cellulaire programmée, appelée apoptose. Le but de l’essai, qui est une collaboration avec Debiopharm, une société suisse, consiste à déterminer l’effet de cette association sur le cancer du poumon non à petites cellules. Il s’agit d’un essai au stade précoce portant sur l’innocuité. S’il réussit, d’autres essais suivront et mèneront éventuellement au but ultime qui est une nouvelle norme de soins.
Alors que cela est déjà une grande avancée, le Dr Goss a reçu un financement supplémentaire de BioCanRx pour utiliser les données de l’essai afin de trouver des biomarqueurs pouvant servir à déterminer plus facilement les patients qui réagiront le mieux au traitement. En utilisant les échantillons prélevés sur les patients pendant l’essai, le Dr Goss et son équipe rechercheront des biomarqueurs immunitaires au niveau des gènes et des protéines et au niveau immunologique.
Il existe déjà des biomarqueurs, précise le Dr Goss, mais ils ne sont pas très efficaces, que ce soit pour déterminer les patients qui réagissent au traitement (sensibilité) ou ceux qui devraient y réagir, mais ne le font pas (spécificité).
« Notre but est de trouver de meilleurs biomarqueurs », affirme le Dr Goss. Les travaux de son équipe permettront une meilleure sélection des patients pour les phases II et III du développement clinique. Plus que cela encore, les biomarqueurs que l’équipe trouvera pourront aussi servir lors des essais d’autres immunothérapies, qu’il s’agisse de traitements uniques ou de traitements d’association.
Le Dr Goss ajoute que le but ultime à long terme est d’utiliser ces biomarqueurs non seulement pour connaître les patients qui réagissent à cette association particulière de traitements, mais aussi pour mettre à l’essai différentes associations et voir comment elles se comparent aux traitements habituels.
Une retombée essentielle de cette recherche, selon le Dr Goss, est la formation d’une équipe de chercheurs de classe mondiale provenant de plusieurs établissements partout au Canada, constituée tant de cliniciens que de scientifiques. L’expérience acquise par l’équipe lors de cet essai lui permettra de mener d’autres essais d’autres associations. Ce faisant, elle attirera de nouveaux partenaires et de nouveaux étudiants et continuera à bâtir un réseau de collaboration d’un bout à l’autre du Canada pour développer l’immunothérapie.
« Le Canada est déjà bien présent dans le domaine de l’immunothérapie, conclut le Dr Goss. Nos travaux renforceront la compétitivité des chercheurs canadiens à l’échelle mondiale. »