Alliance des intervenants contre le cancer – profil de membre : Catherine Wilhelmy Rech

Membre du comité stratégique patient-partenaire et du comité de coordination des partenariats avec les patients du Centre Hospitalier Universitaire de Sherbrooke (CRCHUS) et Membre du Groupe de travail de l’Alliance des intervenants contre le cancer de BioCanRx

 

– Catherine, pouvez-vous nous parler de votre expérience du cancer en tant qu’aidante et patiente?

 

J’ai été l’aidante de ma mère pendant les 18 derniers mois de sa vie, alors que j’avais 18 ans. Plus tard dans la vie, j’ai également été l’aidante de mon mari qui a traversé trois cancers (deux cancers du colon, un cancer du poumon). Par chance, il fait partie des heureux élus. Pas de séquelles, pas de récidive – 6 ans sans cancer.

 

En tant que patiente, on m’a diagnostiqué un cancer du sein triple négatif. Stade 3, grade 3. Les traitements ont duré 10 mois et j’ai pu reprendre une vie active, cinq mois après la fin de mes traitements.

 

– Avez-vous participé à un essai clinique / un projet de recherche? Comment avez-vous vécu cette expérience?

 

J’ai participé à un essai de phase IV pour un médicament antinauséeux – l’expérience a été très bonne car je n’ai jamais vomi. Je n’ai eu que de petites nausées, un peu comme lorsque vous êtes enceinte au tout début. De plus, le fait de participer à un essai clinique m’a donné l’impression d’être une patiente VIP. C’était génial. La seule chose que je n’ai pas appréciée, c’est de ne pas avoir de nouvelles de l’essai après coup. J’aurais aimé mieux comprendre les résultats. Le même commentaire s’applique à un autre essai clinique auquel j’ai consenti.

 

Le deuxième essai clinique visait à vérifier l’hypothèse selon laquelle, en cas de réponse complète aux traitements de chimiothérapie, il pourrait ne pas être nécessaire d’irradier les ganglions lymphatiques de l’aisselle. J’ai eu le même genre de sentiment « VIP », et j’ai eu l’agréable surprise de me trouver dans la cohorte de l’hypothèse proposée. Ils ont donc épargné mon aisselle et toute la partie supérieure du cou. Et comme pour l’autre essai, je n’ai pas aimé ne pas recevoir de nouvelles à ce sujet.

 

Et pour les deux protocoles, les formulaires de consentement étaient inintelligibles.

 

– Pourquoi vous êtes-vous engagée dans le comité stratégique patient-partenaire du CRCHUS?

 

Dès le début de mon aventure du cancer, j’ai ressenti un immense manque de service pendant la phase de pré-diagnostic. J’ai eu le privilège de partager avec une amie qui traversait une rechute alors que j’attendais mon propre diagnostic. La façon dont elle pouvait m’écouter sans être effrayée m’a fait penser : pourquoi ne pas faire venir des personnes qui ont l’expérience du cancer pour écouter ceux qui en ont peur?

 

Je savais qu’une telle idée devait être éprouvée pour être mise en œuvre. Mais je ne connaissais rien du monde de la recherche.

 

Cela faisait un mois que j’étais en traitement lorsque j’ai eu l’énorme chance de faire la connaissance de la professeure Marie-Claude Battista. Nous nous sommes croisées dans une ruelle sombre le 31st décembre 2018. Nous nous connaissions à peine pour avoir travaillé ensemble sur un événement où elle a été nommée responsable du partenariat avec les patients pour le CRCHUS. Je lui ai brièvement parlé de mon idée; elle m’a invité à rejoindre le comité; j’ai pleinement adhéré à sa mission, et elle est devenue ma bouée de sauvetage. C’est ainsi que le cancer a fini par prendre tout son sens dans ma vie. Après un an et demi, Marie-Claude s’est vu offrir une promotion et elle m’a proposé de lui succéder. Pour moi, le partenariat avec les patients est le moyen de rendre la pareille.

 

– Parlez-nous de votre rôle dans l’organisation. Comment votre formation et votre expérience vous ont-elles préparé à ce rôle?

 

De 2005 à 2018, j’avais travaillé dans le système de santé et des organismes connexes, d’abord comme conseillère en communication, puis comme conseillère en soins centrés sur la personne. Je croyais tout savoir à ce sujet, mais en devenant patiente, j’ai découvert qu’il m’en restait beaucoup à apprendre. Il me manquait la perspective du patient, vivre dans les faits avec une maladie. Devoir passer par le système au quotidien. Devoir faire face à la possibilité de mourir d’une manière qui n’est pas seulement une possibilité lointaine. Devoir ressentir une perte totale de contrôle sur la réaction de mon corps aux médicaments. Essayer de comprendre pleinement le traitement et ne pas y parvenir. Avoir peur d’une récidive. Devoir voir dans le regard du clinicien sa propre inquiétude à mon sujet. Devoir subir la bureaucratie du système et ses multiples absurdités. Devoir être un patient. Et être patient.

 

Être responsable du partenariat avec les patients me donne l’occasion de changer le monde à petite échelle. Je n’aurais pas pu rêver d’un meilleur emploi. J’ai le sentiment que mes expériences personnelles et professionnelles ont fusionné pour me permettre de rendre quelque chose de valable à la société. Ainsi, trois ans après le cancer, je dis merci au cancer.

 

– Que faites-vous concrètement pour que la voix des patients atteints de cancer soit entendue? Comment la collaboration patient-chercheur fonctionne-t-elle dans votre organisation?

 

Le groupe de patients partenaires avec lequel je travaille est totalement engagé. Notre objectif commun est que, dans un avenir pas trop lointain, tous les projets de recherche commencent par la réflexion suivante : comment le partenariat avec les patients pourrait-il influencer cette question de recherche? Au cours de la dernière année, nous avons rassemblé des outils pratiques et produit un guide du chercheur pour aider à répondre aux questions de base sur le partenariat avec les patients lorsque vous n’avez jamais inclus un patient partenaire dans votre équipe de recherche. Nous avons également fortement soutenu trois projets de recherche proposés par des patients. L’un d’entre eux porte sur la documentation de l’expérience du partenariat avec les patients au Centre de recherche du CHUS, un autre sur les traitements théranostiques des cancers digestifs (initié par un patient), et le dernier est un projet visant à identifier les besoins des enfants dont un parent est touché par le cancer. Ce projet a été mis de l’avant et mené par cinq enfants de 9 à 12 ans.

 

Tout cela a été rendu possible grâce à l’engagement des patients, bien sûr, mais surtout grâce au soutien que nous avons de la direction scientifique du centre et parce que nous participons aux décisions stratégiques de la CRCHUS.

 

– Qu’est-ce qui vous inspire le plus dans votre travail avec le CRCHUS? De quoi êtes-vous la plus fière?

 

Je suis très fière du groupe de chercheurs extraordinaires qui consacrent leur vie professionnelle à l’avancement du savoir. Ils travaillent sans relâche à l’approfondissement de sujets bien précis, à en comprendre tous les détails. Et d’avoir des représentants de patients, des « trouble-fête » qui viennent remettre en question ce qu’ils ont mis toute leur vie professionnelle à bâtir, ça ne doit pas être facile. Leur ouverture au partenariat-patient me touche profondément. Nous avons vraiment de la chance de pouvoir travailler avec des personnes aussi formidables.

 

– Pour les années à venir, quels sont vos espoirs en matière de partenariats avec les patients dans la recherche sur le cancer?

 

Je souhaite que les essais cliniques deviennent de véritables options thérapeutiques systématiquement discutées avec les patients.
J’espère que tous les Québécois, où qu’ils soient, comprendront ce qu’est la recherche et sauront qu’ils peuvent y participer.
J’espère un meilleur accès aux essais cliniques dans les régions éloignées.
J’espère que les patients seront impliqués davantage dans les décisions concernant la recherche.
Je souhaite que la recherche soit menée AVEC les patients plutôt que POUR ou SUR les patients.

 

– Qu’aimez-vous faire au-delà de votre rôle au sein de CRCHUS?

 

Jouer à fond mon rôle de mère
Faire du karaoké (au grand désespoir de ceux qui écoutent)
Élever des poules qui pondent des œufs de différentes couleurs
Réaliser mon projet de construire une cabane rustique sur le terrain qui m’a été laissé en héritage dans les Cantons de l’Est.
Cuisiner comme s’il n’y avait pas de lendemain
Peindre sans savoir ce que cela deviendra
Réinventer le monde autour d’un bon repas entre amis
Essayer des choses (légales et respectueuses 😉 ) que je n’ai jamais tentées auparavant