La radiation peut-elle faire en sorte que l’immunothérapie fonctionne mieux? Et est-ce qu’un intestin en santé peut aussi aider?

Par Heather Blumenthal

 

Aly-Khan Lalani est content. Il est très content, et des mots comme « innovateur » et « première mondiale » débordent de sa bouche lorsqu’il parle. Et cela concerne un essai clinique de radiothérapie cytoréductive hypofractionnée stéréotaxique combinée à l’ipilimumab et au nivolumab, ou CYTOSHRINK. Ce qui, à vrai dire, semble plutôt technique, et fait qu’il est difficile de comprendre pourquoi il y a lieu d’être content.

 

Mais le titre de cet essai clinique financé par BioCanRx laisse entendre qu’il cible le cancer du rein métastatique, et c’est là que l’on commence à comprendre.

 

Comme l’explique le Dr Lalani, un professeur adjoint d’oncologie à l’Université McMaster, l’immunothérapie est maintenant la norme de soins pour le cancer du rein métastatique, les deux médicaments d’immunothérapie de cet essai, l’ipilimumab et le nivolumab, étant largement utilisés. Mais l’ajout de la radiation, un genre de radiation hautement focalisée appelée radiothérapie stéréotaxique corporelle (RSC), est une nouveauté. En fait, comme le souligne le Dr Lalani, il s’agit d’un des premiers essais cliniques randomisés au monde combinant ces modalités de traitement pour cette population de patients en particulier.

 

Dans le cas présent, la population de patients regroupe des personnes atteintes d’un cancer du rein de stade 4 (ou métastatique) qui n’ont pas déjà reçu de traitement pour leur maladie. Auparavant, jusqu’au tiers des patients atteints d’un cancer du rein recevaient leur diagnostic à ce stade avancé. Malheureusement, en raison de la pandémie de COVID-19 et de son impact sur les soins contre le cancer, cette proportion risque d’augmenter, ajoute le Dr Lalani.

 

Le moment choisi pour l’essai découle d’un ensemble de facteurs. D’abord, comme il a été mentionné, il y a l’émergence de l’immunothérapie comme norme de soins pour le cancer du rein. Deuxièmement, on convient de plus en plus que, pour la plupart des patients, l’ablation d’un rein n’est pas la meilleure solution. Et enfin, l’idée que les tumeurs cancéreuses du rein sont résistantes à la radiation s’estompe aussi, grâce en partie à des essais antérieurs qui ont démontré les avantages de la RSC dans le cas du cancer du rein métastatique.

 

L’essai CYTOSHRINK offrira une immunothérapie systémique par voie intraveineuse combinée à une radiation ciblée contre la masse du rein primaire.

 

Jusqu’à maintenant, après le retard dû à la COVID-19, l’essai a recruté environ le quart des 78 patients qui y participeront en bout de ligne, et a été élargi de Hamilton à Toronto et Ottawa et à l’échelle internationale à l’Australie. Le Québec et l’Alberta devraient s’ajouter à l’essai au cours des prochains mois.

 

« L’enthousiasme et l’intérêt à l’égard de cet essai n’ont jamais diminué, malgré les défis de la pandémie de COVID-19 dans le domaine des soins contre le cancer, » souligne le Dr Lalani.

 

Tous les participants recevront les médicaments d’immunothérapie, alors que les deux-tiers d’entre eux recevront aussi cinq séances de radiothérapie. Cela produira idéalement de meilleurs résultats pour les patients recevant la radiothérapie ainsi que l’immunothérapie, de même qu’un nouvel outil pour traiter le cancer du rein à un stade avancé.

 

Cela en soi est très intéressant. Mais comme ils disent dans les messages publicitaires : « Attendez! Il y a plus! » « Et c’est là que le soutien de BioCanRx est si important,» indique le Dr Lalani.

 

Dans le second aspect de cet essai, le Dr Lalani et ses collègues veulent trouver de meilleures façons de sélectionner des patients qui répondront à ce traitement, et peut-être même trouver une façon d’aider les patients à mieux y répondre.

 

À cette fin, ils tentent d’identifier des biomarqueurs qui permettront de prédire les réponses des patients, au moyen d’échantillons de tissu cancéreux, de sang et de selles qu’ils recueilleront des participants au début de l’essai, après le premier traitement d’immunothérapie et un an après l’achèvement du traitement. L’innovation ici se rattache à la capacité d’évaluer les changements dynamiques dans les biomarqueurs sanguins ainsi que l’inclusion d’échantillons pour mesurer la santé du microbiome – l’ensemble de la flore et de la faune qui existe dans notre tube digestif, y compris les soi-disant bonnes bactéries. Il s’agit d’un domaine de recherche relativement nouveau et qui offre des preuves de plus en plus nombreuses de l’importance du microbiome pour de nombreux aspects de notre santé.

 

Grâce aux connaissances qu’ils acquerront de cette analyse, les oncologues seront en mesure de mieux déterminer quels patients sont le plus susceptibles de bénéficier du traitement, et même d’intervenir pour accroître la probabilité que les patients bénéficient du traitement, voire peut-être de réduire les effets secondaires du traitement.

 

« Le travail avec les biomarqueurs aidera à répondre à de nombreuses questions scientifiques importantes. Par exemple, nous pouvons viser à redonner les « bonnes bactéries » aux patients pour aider à améliorer la santé intestinale et à bénéficier ainsi davantage de l’immunothérapie, explique le Dr Lalani, ce qui serait une vraie innovation en matière de soins contre le cancer du rein.

 

L’atteinte de ces nobles buts serait impossible sans l’installation principale de BioCanRx, le Centre d’essais immunitaires humains, situé à l’Université McMaster, et sans la participation des collègues du Dr Lalani, les Drs Jonathan Bramson et Michael Surette, qui ont l’expertise nécessaire à l’utilisation du Centre et à la réalisation des analyses.

 

« Il s’agit réellement de science d’équipe, dit le Dr Lalani. Comme ils disent, il faut réellement un village pour réaliser un essai clinique. Nous sommes reconnaissants aux patients, à leurs familles et aux chercheurs de l’essai pour leur soutien. »

 


 

Heather Blumenthal écrit au sujet de la santé et de la recherche en santé depuis une vingtaine d’années et n’a jamais cessé d’être fascinée par les progrès qu’accomplissent les chercheurs canadiens.