Combler un manque dans le parcours vers la clinique

Ce n’est peut-être pas la plus grande installation du genre mais c’est, selon Jennifer Quizi, un des secrets les mieux gardés – à Ottawa, sans aucun doute; au Canada, presque certainement; et ailleurs dans le monde, très probablement.

 

Il s’agit du Centre de fabrication de produits biothérapeutiques (CFPB), une partie de l’Hôpital d’Ottawa, une installation de biofabrication financée par BioCanRx et, depuis les 15 dernières années, un intervenant clé dans la transition de médicaments biologiques, soit des médicaments vivants à base de produits cellulaires et de virus thérapeutiques, du laboratoire à la clinique. Le CFPB est la seule installation du genre au Canada; depuis qu’il existe, il fabrique ces genres de thérapies biologiques pour utilisation dans des essais cliniques de phase préliminaire, et la demande pour ses services et son expertise unique n’a jamais été aussi forte.

 

Les services du CFPB aident à combler un vide dans le cheminement de l’idée à un traitement approuvé. Dans la première partie de ce cheminement, un chercheur met au point un médicament biologique et en fait l’essai dans des animaux. Mais les normes régissant l’essai de médicaments biologiques chez les humains sont beaucoup plus strictes que pour les animaux. Pour pouvoir faire l’essai d’une nouvelle thérapie biologique chez l’humain, il faut un genre de recherche entièrement différent où l’accent est mis sur le développement d’un processus de fabrication sûr et efficace. C’est là que le CFPB intervient d’abord.

 

Le développement de processus, ou DP, consiste à prendre l’innovation du laboratoire et à la transformer en quelque chose qui peut être fabriqué selon une échelle et un degré de pureté acceptables pour être donné à des gens. Il s’agit en fait de créer un guide étape par étape qui sera utilisé pour fabriquer le produit conformément aux bonnes pratiques de fabrication (BPF), une norme internationale visant à assurer l’innocuité chez les humains.

 

Ce domaine de recherche est très coûteux et comporte aussi de très grands risques, comme le souligne la Dre Quizi, une chercheuse à l’Institut de recherche de l’Hôpital d’Ottawa et la directrice du Programme de fabrication de virus au CFPB : « la transposition des études sur les animaux aux humains ne fonctionne pas toujours comme on le voudrait ou comme on s’y attendrait. En outre, ce domaine de recherche manque de possibilités de financement et est souvent considéré comme une “vallée de la mort” pour la recherche translationnelle.

 

C’est la raison pour laquelle le Canada a besoin d’installations comme le CFPB. Grâce à son expérience du soutien d’essais cliniques au Canada, aux États-Unis, en Europe et en Asie, et grâce à son équipe de base comptant plus de 40 personnes hautement qualifiées, le CFPB a l’expertise, l’expérience et les processus nécessaires pour fabriquer rapidement et de façon rentable ces médicaments vivants conformes aux BPF en vue des essais chez l’humain. Ce faisant, le CFPB contribue à la création d’emplois innovateurs et à la croissance économique au Canada. En plus de fournir ses services à des chercheurs universitaires, le CFPB travaille avec des entreprises en démarrage et de grandes entreprises du secteur de la biotechnologie. Le fait que ces services puissent être fournis ici est essentiel pour le maintien et la croissance de ces entreprises au Canada parce que, comme le souligne la Dre Quizi, « elles iront là où se trouve la biofabrication ».

 

De plus, le CFPB dispose de deux installations de fabrication conforme aux BPF à l’Hôpital d’Ottawa, une pour les virus et une pour les cellules vivantes. Ceci, explique la Dre Quizi, est « relativement rare dans un milieu universitaire, et nous sommes impatients et prêts à prendre de l’expansion et à faire plus ».

 

En fait, au cours des 15 premières années de son existence, le CFPB a produit 13 différentes sortes de cellules et de virus dans des domaines comme les immunothérapies du cancer, les thérapies à base de cellules T-CAR, les cellules souches mésenchymateuses, les adénovirus pour la thérapie génique et les vaccins contre la COVID-19.

 

La COVID-19 et la pandémie de façon plus générale ont fait ressortir l’importance d’avoir cette capacité de fabrication au Canada – et l’importance de notre manque dans ce domaine. Le fait d’avoir une installation de fabrication autonome et fonctionnelle signifie que lorsque cette capacité devient vitale, comme en situation de pandémie, l’installation est prête à aller de l’avant.

 

En bout de ligne, par contre, la meilleure installation au monde ne peut fonctionner sans les meilleures personnes. Et, ajoute la Dre Quizi, « nous avons beaucoup de difficulté à trouver les bonnes personnes ».

 

Ainsi, le CFPB a décidé de bâtir son propre effectif. Il a conclu un partenariat avec le Collège algonquin d’Ottawa, l’Université d’Ottawa, l’organisme Mitacs et le réseau BioCanRx pour créer CanPRIME, un programme de stage payé de huit mois qui donne aux participants une formation dans tous les aspects de la fabrication dans un environnement conforme aux BPF. Les étudiants passent une partie du temps à faire la rotation dans les différents services du CFPB, essayant tout, du développement de processus et d’essais, au contrôle et à l’assurance de la qualité ainsi qu’à la production. Ensuite, lorsqu’ils ont eu la possibilité de tout essayer, ils peuvent choisir de passer le reste de leur temps dans le domaine qui les intéresse le plus.

 

Le programme en est maintenant à sa troisième cohorte de cinq participants, et plusieurs des 10 anciens participants travaillent maintenant à temps plein au CFPB, dans un emploi qu’ils savent déjà qu’ils vont aimer grâce à CanPRIME.

 

« Dans le secteur de la fabrication de médicaments biologiques, en raison de leur complexité, nous désignons les processus comme étant le produit. Mais je pourrais aller encore plus loin et dire que les gens sont le processus et que, sans ces personnes hautement qualifiées, il n’y a pas de produit », dit la Dre Quizi. Et le produit signifie que les patients auront accès aux thérapies dont ils ont besoin, qu’il s’agisse d’immunothérapies du cancer, de nouveaux traitements pour des maladies rares ou des médicaments biologiques qui commencent à être utilisés pour traiter avec succès un nombre croissant de conditions.