Mois de l’histoire autochtone

Le mois de juin est le Mois national de l’histoire autochtone. C’est l’occasion de rendre hommage à l’histoire, à la diversité et à la force des peuples autochtones du Canada. C’est aussi un moment important pour nous de réfléchir à la façon dont nous pouvons être de meilleurs alliés des peuples autochtones et nous engager activement dans la réconciliation. Nous avons discuté avec Gillian Carleton, membre du PHQ de BioCanRx et membre du comité EDI de BioCanRx (candidate au doctorat dans le laboratoire du Dr Julian Lum), de ce que fait le laboratoire dans le cadre de son engagement continu envers la réconciliation.

 

1. Que signifie la réconciliation pour vous et le laboratoire Lum?

 

Lorsque nous pensons à la réconciliation, il est très facile de tomber dans le piège qui consiste à aller de l’avant et à rétablir une bonne relation. Bien qu’il s’agisse de l’objectif final, cela ne tient pas compte du fait qu’il doit d’abord et avant tout y avoir un niveau de réflexion, d’apprentissage, de sensibilisation et surtout de compréhension de ces vérités qui nous obligent à nous engager dans la réconciliation pour commencer.

 

En ce qui nous concerne, lorsque nous parlons de réconciliation, il est très important qu’avant de commencer à parler de l’action collective que nous pourrions entreprendre, nous voulions le faire à partir d’un point de vue où nous, en tant que colons et scientifiques, avons pu être complices des préjudices qui ont été perpétrés contre les peuples autochtones. Ce n’est qu’à partir de ce niveau de compréhension et de prise de conscience que l’on peut réellement faire des pas en avant qui auront un sens plutôt qu’un geste vide sans réelle compréhension de ce qui a été fait en premier lieu.

 

2. Quelles mesures concrètes le laboratoire a-t-il prises pour travailler à la réconciliation avec les peuples autochtones du Canada?

 

Lorsque nous nous sommes rencontrés pour parler de ce que nous voulions faire, l’éducation était notre priorité absolue. Bien que de plus en plus de personnes prennent aujourd’hui conscience de la gravité de ce problème et de l’ampleur des dommages causés, notamment du rôle joué par les scientifiques, beaucoup d’entre nous ignorent encore l’étendue de ces problèmes.

 

La première étape a consisté à inscrire l’ensemble du laboratoire à un cours de formation à l’acuité culturelle autochtone à l’université de Victoria. Ce cours était animé par deux leaders autochtones qui occupent également des postes d’enseignement à l’Université de Victoria. Le cours était très bien conçu et contenait ces éléments historiques essentiels ainsi qu’une réflexion sur la signification de la réconciliation et sur les moyens à mettre en œuvre pour aller de l’avant. Apprendre les vérités désagréables du programme des pensionnats autochtones, les diverses expériences menées sur ces élèves et le réseau des hôpitaux indiens était bien sûr désagréable, mais c’est notre responsabilité de bien connaître les faits pour pouvoir nous engager efficacement dans la réconciliation.

 

Après ce cours, nous avons rédigé notre propre déclaration de reconnaissance de territoire qui comprend les actions que nous voulons entreprendre en vue de la réconciliation. Ces prochaines étapes consistent notamment à poursuivre notre formation et à attirer davantage de personnes autochtones dans notre laboratoire. Bien sûr, il existe des obstacles structurels qui entraînent un manque de représentation autochtone dans les postes de haut niveau dans les disciplines STIM (sciences, technologie, ingénierie et mathématiques) auxquels nous ne pouvons pas nous attaquer, mais nous essayons de lutter contre ce phénomène en adoptant des pratiques d’embauche préférentielles pour les groupes marginalisés et en veillant à ce que le laboratoire soit un espace sûr pour les étudiants autochtones en poursuivant notre formation en matière de sécurité culturelle et de compétence culturelle afin de soutenir pleinement ces étudiants.

 

3. Sur votre site web, vous avez rédigé votre propre déclaration de reconnaissance de territoire. Pouvez-vous nous parler de cette démarche et nous dire ce qu’il était important d’inclure?

 

La première chose que nous devions faire était évidemment de nous demander sur quelle terre nous nous trouvions afin de reconnaître correctement la terre et les gens. À Victoria, nous sommes sur le territoire des Salishs du littoral, et plus précisément des personnes qui parlent la langue lək̓ʷəŋən, c’est-à-dire les Premières nations Songhees et Esquimalt. Un autre élément important était d’apprendre à prononcer correctement ces noms pour les présentations orales que nous pourrions faire, afin de faire preuve d’un réel respect. L’un des animateurs de la formation à laquelle nous avons assisté a également fait remarquer qu’il était intéressant de constater que de nombreuses déclarations de reconnaissance de territoire tendent à dire « nous reconnaissons avec respect cette terre sur laquelle nous nous trouvons », alors qu’il serait préférable et beaucoup plus significatif de dire « nous reconnaissons et respectons », ce à quoi je n’avais pas pensé auparavant. Ainsi, plutôt que de dire « nous ne vous respectons que lorsque nous reconnaissons votre terre que nous avons prise », lorsque nous utilisons la formule « nous reconnaissons et respectons », nous indiquons clairement que nous reconnaissons votre terre et nous vous respectons en tant que peuple, en tant que visiteurs dans votre territoire.

 

Il était également très important pour nous d’inclure les mesures que nous prenons dans le cadre de notre engagement continu en faveur de la réconciliation, comme l’éducation, l’embauche préférentielle d’étudiants autochtones, l’engagement en faveur de la formation, en plus d’exposer ces éléments de manière spécifique afin de nous tenir responsables. Il était également important que cette reconnaissance soit publique et accessible sur notre site web, afin que les autres laboratoires qui la découvrent puissent la voir et se dire « nous devrions aussi commencer à mettre en œuvre certaines de ces mesures. »

 

Sur notre site Web, notre déclaration de reconnaissance de territoire est suivie de notre déclaration sur l’équité, la diversité et l’inclusion (EDI), car non seulement nous nous consacrons à la science, mais nous nous engageons également à faire de notre laboratoire un environnement de recherche anti-oppression. Bien entendu, cette déclaration évoluera constamment et sera mise à jour avec de nouveaux objectifs au fur et à mesure que nous poursuivrons notre formation.

 

4. Quels sont les conseils que vous aimeriez partager avec d’autres chercheurs non autochtones qui se lancent dans cet engagement permanent en faveur de la réconciliation?

 

Je pense vraiment qu’avant de pouvoir prendre des mesures en faveur de la réconciliation, en particulier dans le contexte de notre système de santé et de notre système scientifique d’origine coloniale, nous devons vraiment prendre conscience du rôle que nous avons joué et que nous continuons de jouer dans ce génocide continu contre les peuples autochtones. Je pense que si nous n’avons pas ce niveau de compréhension, nous pourrions finir par causer plus de mal avec des actions vides de sens.

 

Pour les autres chercheurs et laboratoires, ce volet éducatif est extrêmement important et constitue un excellent point de départ. De nombreuses universités proposent de nombreux programmes de formation, mais vous devez également vous assurer que ces formations sont dirigées par des animateurs autochtones. Il est très important et significatif d’écouter les leaders autochtones et de faire entendre leur voix. Vous pouvez également vous lancer dans votre propre formation personnelle. Plusieurs articles ont été publiés récemment sur les spécificités du réseau des hôpitaux indiens et les expériences nutritionnelles menées dans les pensionnats autochtones. Ils ne sont pas agréables à lire, mais il est de notre responsabilité de comprendre ce qui s’est passé pour aller de l’avant. Bien sûr, il n’y a pas d’éducation sans action. Il est donc impératif de fixer des objectifs réalisables par de petits groupes de personnes. Je crois que le strict minimum pour les laboratoires devrait être de rechercher et de comprendre sur quelles terres ils se trouvent, comment prononcer correctement ces noms, s’il s’agit de terres cédées ou non cédées, et ce que signifient ces termes. Cela permettra de donner un sens véritable à vos déclarations de reconnaissance des territoires.

 

Personnellement, je suis vraiment favorable à l’idée de rechercher des étudiants et des membres du personnel issus de groupes historiquement exclus, ce qui inclut les peuples autochtones. En science, nous avons tendance à considérer les données comme justes ou fausses, ce qui signifie que nous devrions embaucher le candidat le plus accompli et le plus compétent. Cette idée est tout simplement fausse, car elle ne tient absolument pas compte des mécanismes structurels qui ont empêché une personne différente d’acquérir ces mêmes compétences. Il est possible d’enseigner une compétence à n’importe qui et nous devrions commencer à créer activement un espace pour pouvoir enseigner à ceux qui n’ont généralement pas les mêmes opportunités.

 

La dernière chose que tiens à souligner, c’est qu’il est important de reconnaître que nous ne voulons pas aborder la question sous l’angle d’un sauveur pour faire bonne impression. Ce que nous voulons, c’est créer un espace permettant aux étudiants autochtones de s’épanouir, d’atteindre des postes de direction, afin qu’ils puissent enseigner à leurs étudiants et retourner dans leurs communautés. En fin de compte, ce que nous voulons, ce sont des médecins, des scientifiques et d’autres dirigeants autochtones qui pourront mettre à profit leurs connaissances et leurs talents pour aider leurs communautés à leur manière. C’est vraiment l’objectif final de la réconciliation.