Parler de votre recherche avec le public — Pourquoi faire?

Par la Dre Barbara Vanderhyden

 

La plupart des scientifiques reconnaissent le besoin de répondre aux appels des médias. Mais parfois, et surtout dans les périodes où le financement public de la recherche est limité, ils ressentent davantage le besoin d’être plus proactifs pour faire connaître leur recherche au public. Les deux raisons qu’on invoque le plus souvent sont les suivantes : 1º ce sont les contribuables qui paient votre recherche et vous leur devez de leur expliquer ce que vous faites avec leur argent; et 2º un public plus éduqué scientifiquement ou qui fait davantage confiance aux scientifiques sera plus enclin à appuyer les décisions stratégiques du gouvernement qui profitent à la communauté scientifique.

 

Même la revue Nature a publié des articles à ce sujet , voyez ici et ici.

 

Alors, comment faire sortir un scientifique de sa zone de confort (c’est-à-dire de son laboratoire)? Il n’est pas rare que ceux parmi nous qui travaillons à Ottawa soient appelés à s’entretenir avec des fonctionnaires, à exercer des pressions pour obtenir des changements dans la politique scientifique ou à faire visiter les laboratoires par des personnalités politiques. Les stagiaires peuvent aussi se joindre à un programme de vulgarisation scientifique, faire du bénévolat dans un musée ou un centre des sciences de la ville, ou organiser un café scientifique (comme « Une Chope de science »). La communication scientifique englobe aussi les gazouillis, les blogues et les sites Web, et nombre de congrès encouragent maintenant les participants à se servir des médias sociaux, non seulement pour partager leurs opinons avec d’autres, mais aussi, par extension, pour faire savoir au public ce qui est nouveau et intéressant. Au Sommet sur l’immunothérapie du cancer de BioCanRx, des patients et des membres du personnel hautement qualifié (PHQ) se rassemblent dans un modèle d’apprentissage bidirectionnel appelé « Institut d’apprentissage ». Chez BioCanRx, le PHQ comprend les stagiaires et du personnel de recherche, mais aussi du personnel de soutien au développement de la biotechnologie, alors qu’elle passe du laboratoire à la commercialisation. Cela englobe toute personne qui travaille pour un chercheur du réseau BioCanRx et qui est un étudiant, un boursier postdoctoral, un associé de recherche ou un membre du personnel technique de recherche ou du personnel de recherche clinique.

 

Dr. Vanderhyden avec ses élèves.

 

La communication scientifique à travers les canaux d’enseignement est une voie intéressante, en particulier pour les stagiaires. Je me suis récemment prêtée à une séance de questions et réponses dans la classe de 7e année de mon frère, et il y avait trois garçons à l’arrière qui de toute évidence s’étaient passé le mot de déranger le plus possible. Après quelques questions non pertinentes, l’un d’eux a demandé : « Travaillez-vous avec des virus? » Ma réponse fut simple : « Oui! Je travaille même avec des virus mutants ». J’avais réussi à capter leur attention assez longtemps pour expliquer, dans un langage qu’ils pouvaient comprendre, comment nous créons des virus mutants pour vaincre le cancer. Quiconque a déjà enseigné en classe reconnaît cela comme un moment charnière et l’un des plus grands plaisirs que peut avoir un scientifique, soit celui de convaincre un sceptique de l’intérêt et de l’importance de sa recherche.

 

Sortir de sa zone de confort peut être une expérience amusante et enrichissante, qui forge le caractère. En échangeant avec le public, vous aidez à changer l’image stéréotypée du scientifique maniaque (à moins que vous en soyez vraiment un!), tout en améliorant vos compétences professionnelles en communication scientifique. Il existe deux programmes qui peuvent vous aider en cela. Parlons sciences est établi dans une quarantaine de collèges et d’universités d’un bout à l’autre du Canada. Il apprend à des bénévoles à communiquer la science aux enfants et aux jeunes et il offre un large éventail d’occasions de mettre à l’épreuve leurs compétences et de les améliorer. Le programme compte plus de 3 500 bénévoles et une histoire de 25 ans, et en être un participant est un atout reconnu sur un curriculum vitæ.

 

Le second programme est celui des Dynamiques équipes de sensibilisation et d’information sur la recherche (DESIR) organisé par la Société canadienne du cancer. Il existe actuellement de telles équipes à Kingston, London, Montréal, Ottawa, Toronto et Windsor, qui aident des stagiaires à parler de leur recherche au public. Alors qu’il était étudiant diplômé, Saman Maleki, maintenant chercheur principal de BioCanRx à l’Université Western Ontario, a établi une équipe DESIR avec plusieurs autres étudiants diplômés et l’aide du bureau de London de la Société canadienne du cancer, car tous pensaient qu’il était important que les communautés sachent ce que font les chercheurs. Les bénévoles se rendent compte de la valeur de ce qu’ils font en entendant les récits de patients atteints du cancer. C’est ce qui a fait dire au Dr Maleki : « Ces récits personnels m’ont touché profondément ».

 

Dans différentes universités ontariennes, les programmes Parlons sciences et DESIR se sont associés pour organiser Parlons cancer, un colloque annuel d’une journée qui vise à exposer des élèves du secondaire à la recherche actuelle sur le cancer et au processus de conversion de ses résultats en de nouveaux traitements prometteurs. À Ottawa, l’événement accueille jusqu’à 100 élèves d’écoles situées dans un rayon de deux heures d’Ottawa. Tout au long de la journée, les élèves peuvent écouter des chercheurs sur le cancer, des médecins et un survivant du cancer. Entre les exposés, ils participent à une variété d’activités pratiques et intellectuelles qui leur permettent de mieux connaître une facette de la recherche sur le cancer ou de son traitement. Ces activités sont dirigées par 20 stagiaires de BioCanRx et étudiants diplômés bénévoles, dont neuf constituaient le comité organisateur et ont ainsi pu améliorer leurs compétences en leadership, en planifiant tous les aspects du colloque.

 

Le colloque offre aux bénévoles une occasion d’améliorer leurs aptitudes à parler en public et leur capacité de présenter des idées compliquées dans un langage simple. Certains bénévoles s’en servent aussi pour exprimer leur créativité, en concevant des activités pratiques stimulantes qui démontrent des concepts scientifiques, dont « comment soigner le cancer » et « la conception de nouvelles biothérapies ». Nous sommes heureux de partager ces activités avec quiconque est intéressé à en faire usage dans son milieu.

 

À l’ère des médias sociaux regorgeant d’allégations contraires à la science et de récriminations contre les grandes sociétés pharmaceutiques, les élèves du secondaire sont particulièrement vulnérables à la désinformation. Des événements comme celui-ci, surtout avec leur volet pratique, encouragent les étudiants à mettre en pratique leurs connaissances scientifiques dans la vie de tous les jours et à aborder de façon critique ce qui court dans les médias sociaux. Le bénévolat permet aux étudiants diplômés d’aller au-delà de leur développement personnel, d’éduquer le public et d’améliorer les relations qu’il a avec la science.