Fabrication au point d’intervention : un modèle accessible pour l’immunothérapie du cancer


Par: Teffer Adjemian

 

L’immunothérapie est l’un des traitements contre le cancer les plus prometteurs actuellement sur le marché et en essais cliniques. En exploitant la puissance du système immunitaire, les immunothérapies ciblent les cellules cancéreuses avec généralement moins d’effets secondaires que les traitements plus courants comme la chimiothérapie et la radiothérapie. Chez certains patients, elles ont démontré une efficacité remarquable pour des cancers qui ne répondent pas aux thérapies traditionnelles. Cependant, certaines immunothérapies contre le cancer sont extrêmement coûteuses à fabriquer – elles nécessitent des installations et des ressources spécialisées – ce qui les rend inaccessibles pour de nombreux patients canadiens atteints de cancer.

 

Le paysage actuel de la fabrication de l’immunothérapie cellulaire « personnalisée » est l’un des principaux obstacles à l’accès. Cette approche de fabrication diffère de la fabrication de médicaments standard, car elle nécessite d’extraire des cellules du corps des patients et de les transporter vers une installation, une sorte de camp d’entraînement où les cellules immunitaires sont élargies en nombre et, dans certains cas, conçues pour cibler les cellules cancéreuses. « La norme actuelle de l’industrie est d’utiliser des bâtiments centralisés, massifs et coûteux pour la fabrication des produits de thérapie cellulaire », explique la Dre Natasha Kekre, directrice clinique du programme canadien d’immunothérapies en cancérologie (CLIC) et chercheuse principale de l’essai clinique CLIC-01. « Cela… signifie que les produits sont expédiés très loin de l’endroit où les patients reçoivent leur collecte de cellules afin de se rendre à l’installation de fabrication. » Comme ces installations de fabrication centrales se trouvent principalement aux États-Unis, les patients canadiens doivent faire face à de longs délais d’attente pour recevoir leurs traitements – des temps d’attente que les patients gravement malades du cancer ne peuvent pas se permettre.

 

Avec ses collègues Álvaro Urbano-Ispizua et Nirav N. Shah, la Dre Kekre suggère que la fabrication au point d’intervention (POC) universitaire peut réduire considérablement les obstacles aux soins. Avec la fabrication POC, les produits d’immunothérapie contre le cancer sont fabriqués à l’hôpital ou à proximité de l’hôpital où le patient est traité. Au lieu d’être transportées de l’autre côté de la frontière, les cellules sont transportées vers des installations de fabrication dans la même ville ou la même région, ce qui signifie que le patient reçoit son traitement beaucoup plus rapidement. Cela permet également de réduire les dépenses, car les coûts d’expédition et de stockage sont réduits ou éliminés. De nombreux hôpitaux universitaires disposent déjà de l’infrastructure qui permettrait la fabrication POC, ce qui signifie que même les coûts de démarrage d’un tel programme ne seraient pas prohibitifs.

 

À une époque où le système médical canadien subit une pression sans précédent, la fabrication POC pourrait également réduire le fardeau du système hospitalier. « Le système de santé et le système médical canadiens sont financés par l’État, et notre principal point de pression pour les thérapies cellulaires comme les cellules T-CAR est en fait le prix », explique la Dre Kekre. « Nous sommes contraints de conclure des contrats avec des entreprises et d’élaborer des stratégies d’atténuation des risques qui leur sont propres. Cela crée une charge de travail importante sur les ressources hospitalières qui comprennent des équipes juridiques, des équipes de contrôle de la qualité et du personnel clinique avant même de pouvoir offrir ces produits standard de l’industrie. La fabrication POC pourrait réduire ces frais d’intermédiaire et fournir potentiellement une solution abordable qui s’intègre à l’infrastructure… qui existe déjà », explique-t-elle. La mise en œuvre de la fabrication POC pourrait réduire considérablement la pression sur l’oncologie canadienne et les systèmes de santé en général.

 

Le programme CLIC au Canada est un réseau entièrement universitaire « dans lequel la fabrication de vecteurs, de plasmides, de lentivirus et de cellules T-CAR est entièrement effectuée par deux instituts de recherche. » Le programme CLIC travaille actuellement à l’établissement de plusieurs sites de fabrication au Canada pour les essais cliniques sur les cellules T-CAR du programme CLIC, des sites qui fonctionneront comme pour un essai non seulement pour la thérapie par cellules T-CAR, mais aussi pour le mode de fabrication POC. Ces sites serviront à « réduire les inégalités qui existent actuellement avec les programmes commerciaux de cellules T-CAR » – sans concurrencer les sociétés pharmaceutiques, mais en élargissant l’accès au-delà de ce qu’ils peuvent fournir. Inspirée par le système espagnol, où l’Agence espagnole des médicaments a approuvé la fabrication de T-CAR au point d’intervention et financée par le système médical, l’équipe du programme CLIC se réjouit à l’idée d’un système de santé canadien dans lequel l’immunothérapie serait offerte à tous les patients canadiens atteints de cancer à leur point d’intervention.

 

La recherche sur le cancer ne s’arrête pas sur les bancs des laboratoires; elle s’arrêtera lorsque les cancers pourront être guéris. Pour atteindre cet objectif, les chercheurs en cancérologie doivent étudier non seulement les traitements, mais aussi les méthodes d’administration. Des chercheurs comme la Dre Natasha Kekre et ses collègues du programme CLIC travaillent sans relâche pour résoudre l’un des principaux problèmes de l’oncologie au Canada : l’accessibilité à des traitements de pointe. L’avenir du traitement personnalisé de l’immunothérapie du cancer ne réside peut-être pas dans les sociétés pharmaceutiques internationales, mais dans nos propres hôpitaux locaux.