« J’ai une chance inouïe et j’y pense tous les jours à mon réveil. »
Lorsque Kathy Barnard s’exprime ainsi, elle parle du fond du cœur.
Kathy Barnard est la fondatrice et directrice de Sauve ta peau, un organisme de défense des droits et de soutien des patients qui est à l’avant-garde de l’immuno-oncologie. Il influe sur les lois (projet de loi fédéral C-386 protégeant les jeunes contre les appareils de bronzage) et sur les politiques et lignes directrices concernant les soins, en plus de fournir aux patients atteints du cancer de l’information et un soutien financier et moral individuel.
Mme Barnard a fondé ce groupe en 2006 pour combler une lacune : le manque d’information à la disposition des patients. Elle a elle-même dû trouver réponse à ses propres questions après avoir reçu un diagnostic de mélanome. « Quels traitements s’offrent à moi? » « Comment puis-je obtenir ces traitements? »
À ce moment-là (en 2003), les options thérapeutiques pour le mélanome étaient très limitées : voir comment le cancer va évoluer (c-à-d. ne rien faire), ou essayer l’interféron, qui ne fonctionnera probablement pas et dont les effets secondaires sont atroces.
Joueuse de baseball très compétitive, Mme Barnard a livré avec autant d’entêtement qu’elle le fait sur le terrain son combat mortel contre le cancer. Elle a fait de la recherche sur les immunothérapies émergentes. Elle s’est renseignée sur les essais cliniques et les médecins qui les dirigeaient au Canada. Elle s’est rendue dans une autre province pour prendre part à ces expériences.
« J’ai reçu trois traitements expérimentaux d’immuno-oncologie depuis 2003, dit-elle. Je disais que nous, les patients qui ont un mélanome, étions comme Pluton dans le système solaire, parce qu’une fois notre diagnostic reçu, il n’y avait rien pour nous en 2003, pas avant 2006 ou 2007. Nous étions vraiment les pionniers de l’immuno-oncologie.
Au début, nous avons vu que la courbe et les taux de survie étaient très bas. Avec chaque nouvelle immunothérapie, les effets secondaires étaient différents, mais ils s’amélioraient. On sentait que les chercheurs perfectionnaient les traitements. »
Au premier Sommet de l’immunothérapie contre le cancer, tenu en juin, Mme Barnard a parlé de cette amélioration en racontant son propre cheminement pendant un exposé qu’elle a donné à des chercheurs et à des partenaires industriels.
Ayant d’abord reçu un diagnostic de mélanome malin en 2003, Mme Barnard se trouvait face à un pronostic sombre en 2005 : son cancer s’était répandu au poumon gauche, dans un rein, au foie et dans une glande surrénale. Après un traitement à l’interféron, il n’existait aucune autre forme de traitement pour elle en Colombie-Britannique. Elle a découvert un essai clinique en cours en Alberta pour le Proleukin et a franchi les Rocheuses pour chaque traitement. Les effets secondaires étaient presque aussi pénibles que ceux de l’interféron, mais ses tumeurs ont rapetissé. Cependant, une tumeur de 9 cm a été décelée dans son intestin. Après l’avoir fait enlever par voie chirurgicale, elle a participé à un autre essai clinique en Alberta. Cette fois-ci, le Yervoy était en cause et ses effets secondaires étaient beaucoup plus faciles à tolérer que les précédents. Le traitement achevé, il ne lui restait plus qu’une petite tumeur dans le rein droit, qu’elle a fait enlever en janvier 2009. Le cancer n’est jamais revenu.
À la fin de son exposé, Mme Barnard a remercié tous les chercheurs, car à son avis, si elle était encore là, c’était grâce à eux, à leur travail incessant et aux progrès qu’ils font. « Et d’année en année, nous sommes plus nombreux à survivre. La courbe de survie s’allonge sans cesse », a-t-elle affirmé en entrevue après le congrès. « C’est merveilleux pour nous qui avons eu un mélanome, mais aussi, ces traitements d’immuno-oncologie servent maintenant pour d’autres thérapies, où nous commençons aussi à voir d’excellents résultats. »
Mme Barnard est passionnée par son travail de sensibilisation des décideurs. En plus de permettre aux patients d’obtenir des traitements d’immuno-oncologie, il est aussi avantageux pour les chercheurs.
« C’est avec les chercheurs que tout commence, explique-t-elle. Mais je me demande parfois s’ils savent où tout cela va finir. Je veux qu’ils travaillent fort tous les jours parce que ces agents qu’ils mettent au point sont extraordinaires. Ils sauvent la vie de gens comme moi. Ils changent ma vie et celle de ma famille, alors je peux maintenant essayer de changer la vie des autres. C’est ce que je souhaite.
Et ils sont si passionnés par leur travail. Je l’ai constaté au Sommet, ajoute-t-elle. Comme défenseure des droits des patients, je dois m’assurer que la passion des chercheurs n’aboutira pas dans un cul-de-sac bureaucratique. C’est important pour eux, mais aussi parce que cela affecte le patient en bout de piste. »
Mme Barnard voit d’autres groupes comme le sien intervenir pour que des thérapies efficaces et nouvelles soient approuvées au Canada, mais aussi pour qu’elles soient offertes équitablement à toutes les personnes qui en ont besoin. Comme d’autres, elle ne veut pas que l’accès au traitement soit déterminé par le code postal du patient. Et il y a d’autres questions à résoudre : sur les diagnostics complémentaires, sur l’accès aux traitements d’immunothérapie, sur le processus d’approbation de médicaments au Canada.
« Je vois vraiment qu’au cours des trois prochaines années, si nous voulons défendre les droits des patients en immuno-oncologie, nous devons à tout prix collaborer, dit-elle. Nous devons travailler ensemble, car ce que nous voulons, c’est que ces nouveaux médicaments se rendent jusqu’aux patients qui peuvent en bénéficier. »