Par Heather Blumenthal
Il semble évident – à première vue – que les patients, qui sont habituellement les sujets des essais cliniques, devraient être des partenaires dès le début. Les avantages pour les patients sont clairs : un sentiment accru de contrôle et la possibilité de se renseigner sur le processus de recherche de l’intérieur, entre autres. Comme les patients vous le diront : si cela nous concerne, nous voulons être consultés.
Mais il demeure surprenant de voir à quel point la recherche elle-même bénéficie de l’apport des patients, qui ont une perspective unique, fondée sur les expériences qu’ils ont vécues.
Autre fait surprenant! Bien que l’on soit largement conscients de l’importance et des avantages d’intégrer les patients en tant que partenaires dès le début du processus d’essai clinique, on sait peu de choses sur la meilleure façon de procéder, et il n’y a pas de consensus sur ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas.
BioCanRx cherche à fournir une feuille de route pour la contribution des patients aux essais cliniques de premières phases par à l’aide de son projet intitulé « Faire des partenariats avec les patients une réalité dès les essais cliniques de phase préliminaire : conception d’une plateforme d’engagement des patients ». Connu sous le nom de MARVEL, ce projet contribuera à faire progresser le domaine de la participation des patients, dans l’espoir d’inspirer d’autres chercheurs de la communauté des biothérapies du cancer et d’autres communautés à solliciter la contribution des patients.
Sous la direction des chercheurs principaux, les docteurs Manoj Lalu, Dean Fergusson et Justin Presseau, trois associées de recherche travaillent à quatre projets financés par BioCanRx afin de mieux évaluer ce qui fonctionne – et ce qui ne fonctionne pas – en matière de contribution des patients. Madison Foster, Grace Fox et Emily Thompson sont enthousiastes à l’égard de leur travail et du potentiel qu’il offre pour améliorer à la fois la recherche et l’expérience des patients.
Les quatre projets, qui portent tous sur l’utilisation de diverses immunothérapies pour combattre le cancer, sont indiqués ci-dessous.
- Essai CLIC-1901 sur les cancers du sang, dirigé par la Dre Natasha Kekre de l’Institut de recherche de l’Hôpital d’Ottawa.
- Projet préclinique axé sur la prévention des rechutes de leucémie et de neuroblastome, dirigé par le Dr Michel Duval du CHU Sainte-Justine à Montréal.
- Projet préclinique axé sur la leucémie à cellules B, dirigé par le Dr Scott McComb de l’Université d’Ottawa et du Conseil national de recherches et la Dre Risini Weeratna du Conseil national de recherches.
- Essai sur le mélanome métastatique, dirigé par le Dr Simon Turcotte du CHUM à Montréal (avec le Dr Antoine Boivin, responsable de l’engagement des patients au CHUM).
Dans tous les cas, des patients partenaires ont été (ou seront) recrutés et s’assoient à la table de discussion avec les chercheurs responsables des projets, offrant leur contribution et soulevant des questions fondées sur leur expérience et leur connaissance des besoins des patients.
Sans la contribution des patients, explique Emily Thompson, titulaire d’une maîtrise en épidémiologie, « nous nous dirigeons à l’aveuglette, mais les patients nous disent : voilà ce qui est important pour nous ».
Elle ajoute que les chercheurs ont tendance à être quantitatifs – ils se concentrent sur les chiffres. Les patients, eux, veulent se sentir à l’aise, respectés, engagés – des concepts qui sont d’une importance vitale pour ceux qui envisagent de participer à un essai clinique.
« Vous vous mettez dans cet état d’esprit, vous en parlez à quelqu’un d’autre et cette personne donne à vos idées tellement de profondeur et de perspective », dit-elle.
Une grande partie de la contribution des patients partenaires porte sur les mécanismes de consentement éclairé. Grâce à cette contribution, les documents relatifs au consentement éclairé sont devenus plus faciles à comprendre. Les patients partenaires sont également à l’origine de l’élaboration d’un support visuel accompagnant les documents de consentement éclairé, ce qui rend le consentement éclairé plus facile à comprendre et fournit un élément que les participants à l’essai peuvent partager avec leurs amis et leur famille pour leur expliquer ce à quoi ils prennent part et quelles en sont les raisons.
Il s’agit évidemment d’un domaine dans lequel les patients partenaires peuvent améliorer l’expérience des participants aux essais cliniques. Toutefois, la contribution des patients à la conception d’un essai clinique peut également avoir un impact sur les questions posées par l’essai, ses protocoles, la manière dont il détermine les critères d’admissibilité et les résultats qu’il recherche, en tenant compte de ce qui est important pour les patients réels, et non seulement pour les chercheurs. En fin de compte, la contribution des patients aux essais cliniques encouragera d’autres patients à y participer, car ils sauront qu’ils ne sont pas de simples sujets et que des patients comme eux sont présents à la table de discussion et les défendent.
Les avantages de cette contribution vont au-delà d’un seul essai, car ils comprennent l’acquisition et la diffusion de connaissances sur la meilleure façon de mobiliser les patients pour qu’ils contribuent à la conception d’essais cliniques de premières phases, ce qui a fait cruellement défaut jusqu’à présent. Madison Foster, titulaire d’une maîtrise en épidémiologie, parle d’un cas classique de « comparaison et contraste ».
La diffusion par le biais de publications traitant des cadres et des processus, des évaluations et des comparaisons entre les quatre projets contribuera à transmettre le message sur la manière d’intégrer avec succès les patients dans le processus des essais cliniques.
Parmi les leçons qui ressortiront probablement de l’évaluation de l’approche des quatre projets en matière de contribution des patients, on peut citer l’importance d’une communication claire et continue, ainsi que la valeur des perspectives apportées par les patients.
« Les patients peuvent déceler des choses auxquelles nous n’aurions jamais pensé », déclare Madison Foster, citant en exemple la prise en compte des frais de déplacement et d’hébergement des patients et des soignants pour participer à un essai, dans une évaluation précoce de la faisabilité économique d’un essai.
Emily Thompson a eu beaucoup de chance lorsqu’elle a postulé au programme MARVEL puisqu’elle a soumis sa candidature le tout dernier jour. Aujourd’hui, elle remercie sa bonne étoile.
« Je trouve cela vraiment merveilleux, dit-elle. C’est très différent de ce que j’ai fait dans le passé. »
Pour sa part, Grace Fox, qui ne prévoyait pas faire d’études supérieures, a commencé un programme de maîtrise en épidémiologie à l’Université d’Ottawa, rédigeant sa thèse sur la contribution des patients.
« Un petit avant-goût de la contribution du patient a en quelque sorte fait dérailler mes plans, plaisante-t-elle. La contribution des patients est maintenant une chose à laquelle je pense dans tout », ajoute-t-elle plus sérieusement. « Ce n’est pas seulement la cerise sur le gâteau. C’est un élément central de ma démarche. »
Heather Blumenthal écrit au sujet de la santé et de la recherche en santé depuis une vingtaine d’années et n’a jamais cessé d’être fascinée par les progrès qu’accomplissent les chercheurs canadiens.