L’Institut d’apprentissage de BioCanRx et de l’Alliance des intervenants dans la lutte contre le cancer (AILCC) a été inauguré au Sommet sur l’immunothérapie du cancer de cette année. Le projet pilote a été conçu et organisé par des membres du Groupe de travail de l’AILCC et de notre personnel hautement qualifié. Il rassemble des leaders des patients ou du public et des universitaires dans un programme d’échange de connaissances interactif et collaboratif. Nous avons demandé à deux des participants, un membre de l’AILCC et une personne hautement qualifiée, de nous parler de leur expérience.
La participation du point de vue d’un membre de l’AILCC
Le projet pilote d’un nouveau processus d’apprentissage – Du décollage à un atterrissage réussi
Par : Louise Binder, membre du Groupe de travail BioCanRx-AILCC, consultante en matière de politiques sur la santé, La Fondation Sauve Ta Peau
Dans son livre captivant intitulé Thank you for Being Late (« Merci d’être en retard »), Thomas L. Friedman postule qu’une façon de rester optimiste à l’ère de l’accélération est de s’adonner à de l’apprentissage tout au long de la vie. Il affirme que les emplois de l’avenir seront principalement des emplois « stimpathiques », c’est-à-dire des emplois qui nécessitent et récompensent la capacité de tirer parti des compétences techniques (en science, technologie, ingénierie et mathématiques, d’où le préfixe stim) et interpersonnelles.
Friedman mentionne aussi un sondage réalisé auprès de plus d’un million de travailleurs, d’étudiants, d’enseignants et d’employeurs des États-Unis qui a permis de constater que les étudiants qui avaient réussi avaient eu un ou plus d’un professeur qui avait agi comme mentor et qui s’était intéressé réellement à leurs aspirations, et avaient eu un stage lié à ce qu’ils apprenaient en classe.
Dans cet esprit, je me suis rappelée d’une idée remontant à l’époque où j’étais active dans le milieu du VIH : créer des liens entre les chercheurs et les représentants des patients. Le but était double : soutenir les chercheurs dans leur recherche et soutenir les patients en leur donnant de l’information sur la recherche en langage simple afin de les aider à faire le meilleur choix de traitement personnel. Ces objectifs communs soutenaient aussi les activités systémiques visant à obtenir le remboursement du coût de ces traitements afin d’assurer un large accès à des traitements sûrs et efficaces. Cela s’appelait l’Institut d’apprentissage de CATIE, le Réseau canadien d’info-traitements sida.
J’ai soumis l’idée aux organisateurs du Sommet sur l’immunothérapie du cancer de BioCanRx, qui ont accepté avec enthousiasme d’élaborer un projet pilote dans le même esprit cette année sous la supervision d’un comité directeur brillamment et patiemment présidé par Patrick Sullivan, président de Team Finn et président fondateur d’Ac2orn, et appuyé par le personnel de BioCanRx, en particulier Renée Leduc. Je n’avais jamais participé à la création d’un projet semblable et j’ai été complètement renversée par la quantité de travail que cela nécessitait — jumelage de patients et de jeunes chercheurs, préparation de manuels avec des questions dont ils devaient tenir compte en assistant ensemble à différentes séances de la conférence, choix de sujets dont ils devaient faire rendre compte au groupe et rédaction de notre rapport final.
Chaque matin, nous nous retrouvions durant une heure avant la conférence pour rendre compte des observations de la veille et pour critiquer les exposés de recherche. Nous manquions toujours de temps. Tout le monde était tellement animé et motivé, même à 7 h du matin!
Les représentants des patients ont reçu de l’information technique sur les défis de conception et les autres obstacles auxquels font face les chercheurs qui effectuent des travaux précliniques et cliniques au Canada. Je suis devenue bien consciente des difficultés de trouver un financement adéquat pour faire de la recherche statistiquement significative et reproductible dans ces nouveaux domaines de la recherche en oncologie. Comme il est stimulant, mais comme cela exige aussi du courage, de travailler dans un domaine où l’on peut être déçu à tout instant. Ce n’est pas pour ceux et celles qui recherchent la gratification instantanée à tout prix — comme je le dis souvent à mes amis, il serait bien plus utile pour cela d’aller promener son chien.
En fait, cela me rappelle beaucoup l’époque où j’étais une représentante des patients essayant de convaincre les gouvernements et l’industrie privée, dont les sociétés d’assurance, d’élaborer des politiques de santé et des programmes de remboursement systématique des coûts de traitement qui sont à la fois financièrement responsables et assez souples pour tenir compte non seulement des problèmes de santé de la population, mais aussi des besoins individuels des patients.
Le fait d’apprendre de ces jeunes chercheurs et à leur sujet m’a stimulé dans mon travail consistant à faire passer leurs bonnes idées dans la recherche et à mettre les fruits de leur recherche dans les mains des gens qui ont désespérément besoin de ces nouvelles thérapies importantes et innovatrices.
J’ai l’impression qu’en fin de compte nous sommes arrivés à mieux comprendre les rôles complémentaires et synergiques des uns et des autres. J’en ai aussi appris davantage sur ces innovations et je peux parler de façon plus avisée du programme de recherche sur le cancer dont nous avons un cruel besoin. J’ai l’impression que, de pilotes en solo que nous étions, si je puis dire, nous sommes devenus un escadron aérien cinglé de chercheurs et de représentants des patients. Apprenons maintenant ensemble de nouvelles formations en vol.
La participation du point de vue d’une personne hautement qualifiée de BioCanRx
L’importance des partenariats entre les patients et le milieu de la recherche
Par : Brittany Umer, doctorante, personne hautement qualifiée de BioCanRx, Laboratoire David-Evans, Université de l’Alberta
Pour bien des étudiants chercheurs comme moi, la poursuite d’études scientifiques est motivée par le désir d’aider les autres et d’améliorer les soins de santé pour les générations futures. Cette motivation à aider autrui, combinée à ma curiosité pour les systèmes biologiques, explique comment j’ai abouti dans le laboratoire du Dr David Evans pour poursuivre mon doctorat en étudiant les virus oncolytiques. Étant actuellement dans ma troisième année, chaque jour je me rends au labo et fais de la recherche sur la façon d’utiliser des virus pour traiter le cancer. Il reste que, dans le processus systématique de la recherche, comme l’entrée de données, les expériences et l’analyse statistique, il est facile d’être si plongé dans la science que l’on perd de vue ses motivations premières d’avoir une incidence sur les soins des patients. En juin dernier, ma participation à l’Institut d’apprentissage (IA), dans le cadre du Sommet sur l’immunothérapie du cancer, m’a de nouveau rappelé combien il est enrichissant de garder à l’esprit que les patients constituent une partie importante de l’équation de la recherche. La liaison entre les patients et le milieu de la recherche par l’échange de connaissances peut être mutuellement bénéfique pour les scientifiques et les groupes de patients.
Notre groupe de l’IA comprenait des stagiaires hautement qualifiés, comme moi, à qui on avait demandé de faire mieux comprendre la science présentée au congrès, et des défenseurs des patients atteints de cancer de partout au Canada. Notre objectif était de nous rencontrer et de discuter de la recherche présentée à la conférence et de rédiger un rapport qui pourrait être distribué parmi les groupes de patients afin de les tenir informés au sujet de la recherche en immunothérapie au Canada.
Bien sûr, nous avons parlé de science, mais nous avons aussi pris le temps de nous connaître les uns les autres et de discuter des motivations qui nous ont amenés à la recherche ou à nous impliquer auprès de groupes de patients. Nous avons examiné les exposés scientifiques des jours précédents, analysé quels en étaient les points essentiels et discuté de la façon dont ils pourraient s’appliquer aux patients. En tant que stagiaire, ces réunions m’ont aidé à améliorer bon nombre de mes compétences personnelles, comme la communication scientifique, l’art du récit scientifique efficace et même mes compétences en réseautage avec des personnes hors du milieu de la recherche. Peut-être même plus important encore a été l’effet qu’a eu ma participation à l’IA sur ma perception de la science translationnelle et mon point de vue sur celle-ci. Les défenseurs des patients à l’IA voyaient constamment la recherche du point de vue du patient, se posant des questions comme : « Qu’est-ce que mon groupe de patients aurait intérêt à savoir au sujet de cette recherche? » J’ai donc commencé à écouter, moi aussi, les exposés de ce point de vue. Je connaissais le groupe de patients que mon ami défenseur des patients représentait et j’ai commencé à voir la recherche de ce point de vue, en plus de l’opinion profondément ancrée que j’ai sur la recherche. Je me demandais : « Comment cette recherche pourrait-elle avoir un effet sur les patients? Qu’est-ce que cela signifie en matière de traitement, de survie ou de qualité de vie? » Je pensais continuellement à la façon dont la science qui était présentée pourrait être appliquée dans un contexte clinique. Ce point de vue m’a marquée depuis lors, et je me suis mise à voir mon propre projet de recherche différemment et à me poser ces mêmes questions.
L’expérience a changé ma façon de voir la recherche. Ayant participé à l’IA, je me sentais plus proche des patients que j’avais au départ espéré aider avec ma recherche. En parlant de recherche avec des défenseurs des patients, le point de vue des patients a été ramené dans l’équation de la recherche. Ma participation à l’IA a eu sur moi un effet beaucoup plus important que de simplement rencontrer d’autres personnes et de traduire la recherche en termes ordinaires. Ma participation à l’IA a changé ma façon d’écouter les exposés scientifiques, a modifié ma façon de faire et d’évaluer ma propre recherche et a peut-être même influé sur mon parcours professionnel.
Bien que l’expérience de chacun puisse ne pas avoir été aussi percutante que la mienne, j’espère que l’IA permettra à davantage de membres du milieu de la recherche de se rendre compte de la valeur de l’interaction avec les groupes de patients et de la participation à des programmes externes à la recherche. Le programme était enrichissant de bien des façons, aussi bien personnellement que professionnellement, et j’espère que d’autres y participeront. À plus grande échelle, le maintien de relations entre scientifiques et patients ne peut qu’aider à renforcer le paysage des soins de santé au Canada et, espérons-le, mener à de meilleurs traitements à l’avenir.