L’aspect économique de la recherche en immunothérapie

Par Heather Blumenthal

Dans le secteur de la santé, comme partout ailleurs, tout se ramène à une question essentielle : qui va payer?

 

Au Canada, la réponse est compliquée. Le payeur peut être le gouvernement, mais il peut aussi être une assurance maladie privée ou même les usagers, de leur propre poche, eux qui doivent parfois se rendre dans une autre province. Les traitements homologués par Santé Canada ne garantissent pas l’accès : les payeurs, comme les gouvernements provinciaux et territoriaux, mettent en balance les coûts des nouveaux traitements et leurs avantages pour les patients pour parvenir à une décision de financement. Cette équation est particulièrement complexe dans le cas des immunothérapies du cancer, comme la thérapie cellulaire CAR-T. Cette thérapie peut sauver la vie de patients pour qui toutes les autres possibilités ont échoué, mais elles tendent à être très coûteuses, sont faites sur mesure pour le patient et nécessitent souvent d’autres services de santé, comme des séjours à l’hôpital et un suivi prolongé.

 

C’est alors que William W. L. Wong entre en scène. Celui-ci n’est pas le chercheur typique financé par BioCanRx — son doctorat est en informatique spécialisé en modélisation analytique des décisions, plutôt que dans un domaine plus familier. Mais venant de l’École de pharmacie de l’Université de Waterloo, il fait partie d’une nouvelle génération de chercheurs en santé et il utilise ses compétences quantitatives pour élaborer des cadres économiques permettant d’évaluer les nouveaux médicaments, y compris les immunothérapies. Cela fait partie d’un domaine appelé « évaluation des technologies de la santé ».

 

L’évaluation des technologies de la santé (ETS), explique le Dr Wong, comprend trois parties : la preuve clinique de l’innocuité et de l’efficacité d’un médicament (ou, comme il le dit, la démonstration qu’il fonctionne), la preuve de sa rentabilité et l’analyse sociale ou éthique portant sur des aspects comme l’égalité d’accès. C’est sur la deuxième partie de l’équation que le Dr Wong se concentre.

 

« Pour rendre remboursable un médicament, les gouvernements ont besoin d’une preuve solide de leur rentabilité », affirme le Dr Wong. Son projet répond à ce besoin pour les thérapies cellulaires, et ce, de trois façons :

 

  • Une analyse ayant pour but de déterminer la capacité nécessaire pour soutenir la mise en œuvre de la thérapie CAR-T au Canada. Son équipe veut plus particulièrement savoir à quel endroit des professionnels de la santé croient que la thérapie cellulaire CAR-T s’inscrit dans la voie de traitement clinique, quelle est la population cible, comment et où la thérapie doit être mise au point et administrée aux patients, comment les patients doivent être suivis et quelles mesures doivent être prises pour réduire les risques pour la santé, quelles ressources sont nécessaires (y compris le personnel, l’équipement et la technologie) dans tout le processus, quelle est la durée des différents processus et quels sont les principaux facteurs nuisibles ou favorables.
  • Un modèle de simulation mathématique pour prédire la rentabilité de la thérapie CAR-T et examiner l’abordabilité des différentes stratégies de thérapie CAR-T, afin d’aider les payeurs à prendre leurs décisions en matière de financement.
  • Une évaluation des lacunes de connaissances sur lesquelles les chercheurs peuvent se pencher pour rendre la thérapie CAR-T plus attrayante aux payeurs.

 

Le projet s’inscrit dans un nouveau champ de recherche de BioCanRx, l’évaluation des technologies de la santé. L’ETS est habituellement réalisée tardivement dans le processus, lorsqu’un médicament ou une thérapie arrive à l’étape des essais cliniques. Toutefois, l’Alliance des intervenants dans la lutte contre le cancer (AILCC), un groupe de patients et d’organismes de bienfaisance dans le domaine de la santé qui donne des avis et des recommandations à BioCanRx, était plutôt d’avis que l’ETS devait être réalisée plus tôt dans le processus, d’où le terme « ETS précoce ». Les membres de l’AILCC croient qu’il est important de faire en sorte que les immunothérapies pouvant sauver des vies soient élaborées en tenant compte du processus décisionnel en matière de financement, afin que le financement public permette de rendre les nouvelles thérapies accessibles le plus tôt possible. Sous l’impulsion du groupe, BioCanRx a lancé un appel de financement pour des projets de recherche en ETS précoce.

 

Financé à la suite de l’appel en question, le projet du Dr Wong fournira un cadre stratégique pour soutenir le processus décisionnel concernant la mise en œuvre et le remboursement de la future thérapie cellulaire CAR-T (bien que la thérapie CAR-T ait dépassé le stade d’une ETS précoce depuis que l’appel a été lancé). Ses travaux aideront aussi les chercheurs à prendre des décisions éclairées concernant le développement futur de telles thérapies.

 

Le Dr Wong ne voyait pas son avenir dans le secteur de la santé quand il a entrepris ses études en informatique, mais pour lui, c’est le bon endroit où se trouver.

 

« La santé est un secteur stimulant, dit-il. Je peux constater les retombées de mes travaux. Par exemple, la plupart des politiques canadiennes de remboursement des traitements contre l’hépatite C s’inspirent de mes recherches ». Aujourd’hui, le Dr Wong se réjouit de voir que ses travaux ont des retombées semblables dans le domaine du cancer.