Par : Heather Blumenthal
On pourrait croire que c’est de la magie – on insère les cellules sanguines d’un patient atteint du cancer dans une boîte où elles sont transformées en cellules T adaptées à la thérapie cellulaire.
Mais ce n’est pas de la magie – c’est très réel et c’est une méthode très prometteuse qui permettra bientôt de produire le matériel requis pour mieux traiter par immunothérapie les patients atteints du cancer.
Il s’agit de la progression naturelle du processus d’innovation, explique le Dr Jonathan Bramson de l’université McMaster. Vient en premier la découverte d’une approche novatrice – dans le cas présent, il s’agit d’une nouvelle méthode de traitement du cancer à partir de l’intérieur, à l’aide des propres cellules immunitaires du patient. Viennent ensuite le développement et la mise en œuvre de processus de production novateurs.
Pour le moment, la méthode de production des cellules T est onéreuse; elle est à forte intensité de main-d’œuvre, elle exige beaucoup d’espace et elle est vulnérable à la contamination. D’abord, les cellules T sont cultivées dans un tube à essais, puis elles sont transférées dans une petite fiole pour ensuite être transférées dans une plus grosse fiole, et ainsi de suite. À chaque étape, les nutriments dont les cellules se nourrissent doivent être ajoutés. Ce processus doit être exécuté par des techniciens spécialisés qui travaillent dans un environnement de laboratoire stérile afin d’empêcher toute contamination. Le processus doit être répété pour chaque patient, et les coûts se chiffrent à environ 500 000 $ pour une ronde de thérapie.
À ce jour, les efforts de recherche et les investissements du secteur privé ont principalement été consacrés au développement clinique et à la vérification de la capacité des cellules à traiter le cancer de façon efficace. D’importants progrès ont été réalisés en clinique à cet égard. L’obstacle le plus important consiste désormais à produire les cellules T requises à des coûts beaucoup moins élevés.
Comme l’explique le Dr Bramson, la méthode actuelle n’est pas un choix très légitime à long terme. Il est temps que la production rejoigne les progrès réalisés en clinique.
Le Dr Bramson, qui est professeur en médecine moléculaire, travaille maintenant en étroite collaboration avec une ingénieure chimique, Raja Ghosh, Ph.D., aussi de l’université McMaster, pour y arriver. Leur but consiste à réduire les coûts de production de cellules T pour permettre à la thérapie cellulaire de devenir pratique courante.
Ils travaillent à la conception d’un « bioréacteur en boîte » qui produira des cellules T en grand nombre là où elles sont requises. Il ne sera plus nécessaire d’avoir recours à l’usage intensif de techniciens spécialisés, d’utiliser un grand laboratoire stérile, de transporter les cellules du laboratoire à la clinique pour démarrer ce processus. Ainsi, les coûts seront grandement réduits. De plus, affirme la Dre Ghosh, le bioréacteur reproduit plus efficacement le milieu optimal pour la multiplication des cellules T, ce qui signifie que leur croissance en sera améliorée.
Plutôt que d’ajouter des nutriments manuellement, selon les pratiques usuelles, des membranes de fibre creuse et poreuse circulent dans le bioréacteur en boîte et recueillent les nutriments à une extrémité pour ensuite diriger la matière appauvrie vers l’autre extrémité. Et tout cela s’effectue sans qu’il soit nécessaire d’ouvrir la boîte, ce qui réduit la main-d’œuvre requise et le risque de contamination, améliorant ainsi la qualité du produit final. Le Dr Bramson compare le processus à un plat en casserole – on mélange tous les ingrédients, on recouvre, on place la casserole au four et on laisse cuire jusqu’à ce que ce soit prêt.
« Nous voulons que les cellules T soient toujours bien nourries et heureuses », affirme le Dr Bramson.
Le bioréacteur en boîte accomplit une autre tâche, ajoute la Dre Ghosh. Il extrait les produits du métabolisme, comme le dioxyde de carbone (comme les êtres humains, les cellules « inspirent » de l’oxygène et « expirent » du dioxyde de carbone) et les métabolites toxiques – des substances qui peuvent nuire à la croissance des cellules T.
Le bioréacteur n’est pas tout à fait prêt pour déploiement à grande échelle. Les docteurs Bramson et Ghosh travaillent toujours à faire les mises au point nécessaires pour faire fonctionner la boîte en « multiplex », c’est-à-dire de manière à produire plusieurs cultures de cellules en même temps en agrandissant la boîte plutôt qu’en utilisant simplement des boîtes individuelles côte à côte. Mais cela s’avère difficile puisque le processus qui consiste à nourrir et à cultiver les cellules T fonctionne différemment selon le format de la boîte. Dans une boîte plus grande, les cellules sont plus éloignées des tubes creux, donc, pour le moment, elles ne croissent pas et elles ne se développent pas. Le défi actuel consiste à comprendre la dynamique d’un plus grand récipient.
La Dre Ghosh souligne que le projet en est toujours étapes initiales et intermédiaires de développement. Les chercheurs ne sont pas prêts pour les essais cliniques, mais ils ont accumulé des données qui démontrent la capacité du processus à produire des cellules T pour une utilisation clinique qui répond à des normes strictes en matière de qualité. De plus, ils participent à des discussions avec des entreprises du secteur privé pour assurer la production des bioréacteurs en boîte dans les plus brefs délais.
« Lorsque cela se produira, affirme le Dr Bramson, nous assisterons à une grande transformation, non seulement pour le traitement du cancer, mais aussi pour d’autres maladies comme les maladies auto-immunes, ainsi que pour d’autres populations de cellules qui doivent être adaptées avant d’être utilisées dans un traitement.
Heather Blumenthal est rédactrice dans le domaine de la santé et de la recherche en santé depuis plus de 20 ans et elle est toujours fascinée par les progrès réalisés par les chercheurs canadiens.