Renforcer le soutien à la recherche translationnelle grâce aux leçons apprises
par Vanessa Nelson
Au début de 2020, alors que la COVID-19 commençait à se propager à grande échelle, les chercheurs et les cliniciens canadiens ont déterminé que de nouvelles approches, de nouveaux processus et de nouveaux systèmes de consultation et d’approbation étaient requis pour soutenir des interventions nouvelles et novatrices face à ce qui devenait rapidement une urgence en matière de soins de santé. Non seulement le Canada devait-il examiner les options de traitement offertes, mais aussi la façon dont nous pourrions élaborer des solutions conçues au Canada pour éviter notre dépendance aux chaînes d’approvisionnement mondiales mises à l’épreuve et pour éviter les restrictions et les retards causés par les processus d’approbation complexes de l’ensemble de notre écosystème de santé. Nous avions besoin d’une solution qui permettrait une collaboration efficace dans l’ensemble de notre écosystème de soins de santé et qui réduirait au minimum ou qui contournerait la « paperasse » qui s’applique habituellement à la concrétisation des innovations en sciences de la vie. Nous devions combler l’écart entre la recherche et la commercialisation pour faciliter les innovations en soins de santé afin d’en tirer des avantages économiques et sociaux, tant en temps de crise qu’en dehors des situations d’urgence.
Le gouvernement canadien a agi rapidement pour fournir des fonds et de la souplesse réglementaire afin d’intégrer des thérapies novatrices aux approches de traitement, y compris grâce au financement de la recherche translationnelle, et ce, pour que la recherche prometteuse ne soit pas ralentie par des processus mis à rude épreuve. Mais nous avions également besoin d’une approche tenant compte du fait que les personnes responsables des systèmes et des processus étaient potentiellement éprouvées elles-mêmes par la pandémie. Les mesures mises en place ont permis une collaboration efficace entre tous les secteurs – de la recherche aux essais cliniques en passant par la mise en œuvre de nouvelles approches – d’une manière novatrice pour les soins de santé canadiens. Cette approche s’est avérée particulièrement efficace pour soutenir la recherche translationnelle, car elle veillait à ce que les idées novatrices puissent franchir les processus d’approbation souvent longs et ardus pour qu’elles puissent être mises en pratique et profiter aux Canadiens.
Les résultats de ces actions ont été remarquables, en particulier pour ceux qui contribuent à la recherche translationnelle. Plus précisément, l’intervention du gouvernement et l’impact sur notre capacité d’intervenir en cas d’urgence en matière de soins de santé ont démontré la valeur des programmes et des processus qui appuient la collaboration dans tous les domaines du continuum de la recherche et la nécessité de fournir du financement suffisant pour faciliter le passage de la recherche du laboratoire au chevet des patients sans délai. Les travaux de recherche menés par Rebecca Auer, chercheuse à l’Institut de recherche de L’Hôpital d’Ottawa et membre du réseau BioCanRx, sont un exemple de la façon dont la réponse à la pandémie a pu profiter efficacement aux patients canadiens. Mme Auer et ses collègues ont reconnu que les patients atteints de cancer ont des besoins particuliers pendant une pandémie – et que la vaccination est souvent difficile en raison de la nature de leurs affections et de leurs traitements. Pour répondre aux besoins de ce groupe, Mme Auer a examiné les traitements qui pourraient être en mesure de soutenir les patients atteints de cancer et plus sensibles aux infections respiratoires, mais qui ne pouvaient pas non plus être mis en quarantaine en raison des traitements qu’ils devaient suivre. Grâce aux processus et au financement mis en place pour soutenir la recherche sur la pandémie, Mme Auer a pu procéder rapidement à un essai randomisé de phase III sur l’immunisation avec l’IMM-101 – un immunomodulateur à cellules entières sûr et inactivé qui induit une réponse immunitaire innée – comme approche pour protéger les patients cancéreux vulnérables qui, jusque-là, étaient en observation pour prévenir les infections respiratoires et liées à la COVID-19. Le travail de Mme Auer pour découvrir une solution préventive viable et efficace a été essentiel pour trouver un moyen de protéger un groupe très vulnérable dont les besoins n’ont pas été satisfaits par les efforts mondiaux de vaccination contre la pandémie. Grâce au soutien du réseau BioCanRx et au financement fédéral, le projet a pu passer à la phase d’essai en quelques mois et non en quelques années.
Bien que le Rapport du groupe d’experts pour l’examen de l’approche fédérale en matière d’avis scientifiques et de coordination de la recherche sur la pandémie qui a récemment été publié (le Rapport) ait souligné les résultats positifs des mesures prises pendant la pandémie, il a également souligné la nécessité d’une plus grande coordination pancanadienne de la recherche et des avis scientifiques. En fait, la deuxième recommandation du rapport souligne que le Canada se doit de mettre en place des systèmes plus robustes pour coordonner la recherche et les avis scientifiques afin de mieux répondre aux urgences à l’échelle nationale. Plus précisément, le Rapport souligne qu’il est nécessaire de mettre en place une meilleure coordination de la recherche intra-muros et extra-muros, de la synthèse des connaissances, de l’élaboration d’orientations et des processus consultatifs. Le Canada doit améliorer la collaboration interdisciplinaire, transdisciplinaire et intersectorielle pour assurer son efficacité, tant pour faire face aux urgences que pour renforcer son écosystème des sciences de la vie.
La recherche translationnelle est la pierre angulaire de l’innovation médicale moderne, car elle comble le fossé entre les découvertes scientifiques fondamentales et les applications cliniques qui améliorent les soins aux patients et la santé publique. Le Rapport souligne qu’il existe une valeur inhérente à l’affectation efficace des ressources et au financement de la recherche et de l’infrastructure, et cela, non seulement en cas d’urgence et de pandémie. En effet, ces plans et processus doivent être intégrés à l’ensemble de l’écosystème des sciences de la vie afin de récolter des avantages sur le plan de la santé et de l’économie pour les Canadiens de différentes régions du pays. Toutefois, bien que la communauté des sciences de la vie s’entende pour dire que des plans, de la planification et du financement sont nécessaires, elle reconnaît également que cela doit aller au-delà des périodes d’urgence et de pandémie. En fait, ces changements doivent être intégrés à l’ensemble de notre écosystème des sciences de la vie.
Le gouvernement du Canada a répondu à la nécessité d’assurer une planification et une affectation plus efficaces des ressources en cas d’urgence en créant l’approche PCSC (Préparation aux crises sanitaires Canada). Pour BioCanRx, le modèle PCSC proposé par le gouvernement reflète l’approche actuellement en place pour soutenir la recherche translationnelle en immunothérapie contre le cancer. Depuis 2015, les travaux du réseau BioCanRx visent à encourager les modèles de collaboration proposés et réunissent des chercheurs, des cliniciens, des étudiants et des représentants de l’industrie afin de faciliter la prestation de traitements d’immunothérapie novateurs et novateurs aux patients de manière plus rapide et plus efficace. Le gouvernement s’est engagé à construire de nouvelles installations de biofabrication pour soutenir la réponse à la pandémie, et la création de centres aux points de service et le soutien aux installations de biofabrication de BioCanRx peuvent constituer un exemple de la façon dont ces installations peuvent exister et être utilisées pour améliorer les délais de recherche et réduire les coûts. Même si l’approche PCSC n’est pas directement basée sur l’approche de BioCanRx, elle reflète la force de notre modèle et son potentiel de mise en œuvre pour soutenir la recherche translationnelle de manière plus générale en comblant l’écart entre la recherche et la commercialisation. Elle ouvre également la porte à l’utilisation du modèle de financement et des installations de biofabrication proposés pour soutenir les initiatives et les besoins de recherche en dehors de la pandémie, renforçant ainsi le secteur des sciences de la vie au Canada. Enfin, elle laisse entrevoir un avenir dans lequel il pourrait exister une structure centralisée qui soutiendrait des processus de recherche translationnelle plus efficaces dans tous les domaines – et non seulement dans le domaine de l’immunothérapie contre le cancer.
Le modèle de soutien à la recherche translationnelle de BioCanRx a donné des résultats. En travaillant ensemble, notre réseau de plus de 350 chercheurs et cliniciens a accompli les réalisations ci-dessous.
- Lancement de 12 essais cliniques d’immunothérapie du cancer conçus au Canada au profit des patients canadiens dans le besoin.
- Prestation de nouveaux traitements à plus de 400 patients dans le cadre d’essais cliniques financés et soutenus par BioCanRx.
- Formation de 675 membres du PHQ, offrant à bon nombre d’entre eux une formation spécialisée en recherche translationnelle, en biofabrication BPF et en communication scientifique.
- Collaboration avec 202 partenaires dans divers secteurs.
- Lancement de 24 nouvelles thérapies dans l’écosystème canadien.
- Soutien fourni à la création de 8 entreprises créées par essaimage.
- Obtention d’investissements de contrepartie pour l’investissement initial de 40 millions de dollars du gouvernement du Canada, pour un total de 109,49 millions de dollars.
Sur les 30 essais cliniques fondés sur des innovations canadiennes, 43 % sont directement attribuables au programme de recherche translationnelle de BioCanRx. Cela représente une amélioration marquée par rapport aux données précédentes puisque de 2002 à 2015, moins de 1 % des essais cliniques au Canada étaient fondés sur des innovations canadiennes.
Le succès du réseau BioCanRx démontre que pour que le Canada conserve un avantage concurrentiel dans le secteur mondial des sciences de la vie, il est impératif d’accroître et de maintenir le soutien à la recherche translationnelle. Ce soutien nous permettra non seulement de catalyser les progrès médicaux, mais aussi de relever des défis clés et de profiter d’avantages économiques et sociétaux substantiels. Le Canada a fait des investissements essentiels par l’entremise du Fonds de recherche biomédicale du Canada et du Fonds d’infrastructure de recherche en sciences biologiques, des étapes très positives vers la préparation aux pandémies. L’approche PCSC a été élaborée pour répondre aux urgences, mais le travail doit être fait à l’avance et les systèmes doivent être mis à l’essai pour fonctionner rapidement, agilement et efficacement en cas d’urgence. Cette période d’essai peut ressembler à celle de la recherche translationnelle en période non urgente et non pandémique. L’investissement dans la recherche translationnelle procure des avantages économiques et sociétaux, comme l’a fait BioCanRx. Le soutien prévu par l’approche PCSC reconnaît la nécessité du financement pour soutenir la préparation aux situations d’urgence, mais le gouvernement doit considérer cette approche comme une pièce d’un casse-tête plus vaste. Plus précisément, le gouvernement doit également s’attaquer au manque de financement durable et à long terme de la recherche translationnelle en dehors des situations d’urgence. S’il ne le fait pas, cela continuera d’entraver notre potentiel d’innovation, notre rendement et la mise en œuvre réussie de la Stratégie en matière de biofabrication et de sciences de la vie au-delà de la réponse à la pandémie.
Le financement de la recherche translationnelle et la création de systèmes et de processus qui appuient la recherche efficace et efficiente en sciences de la vie sont essentiels au bien-être de l’économie canadienne des soins de santé et au bien-être des Canadiens. La réalité est que, bien que le Rapport reconnaisse des résultats positifs, il souligne également les raisons concrètes pour lesquelles des changements doivent être apportés de façon urgente. Bien que la création de PCSC vise à s’attaquer aux domaines à nécessitant des améliorations et du soutien, l’influence et l’investissement devront s’étendre au-delà de la préparation aux situations d’urgence pour avoir le plus grand impact possible et renforcer l’ensemble de l’écosystème.