par Heather Blumenthal
Le Dr Uri Tabori occupe le poste de chef du programme de neuro-oncologie au Hospital for Sick Children, est professeur de pédiatrie et de biophysique médicale à l’Université de Toronto et est chercheur au Arthur and Sonia Labatt Brain Tumour Research Centre. Pour les enfants atteints de cancer qu’il soigne, par contre, il est connu comme « le grand docteur », pour le distinguer de ses collègues. Pour BioCanRx, il représente le potentiel de l’immunothérapie de révolutionner le traitement du cancer chez les enfants et les jeunes adultes.
Il y a cinq ans, lors de la parution d’un premier article sur lui et son travail, le Dr Tabori étudiait la possibilité d’utiliser des inhibiteurs de point de contrôle pour traiter des cancers infantiles hypermutants, des cancers causés par une déficience de réparation des mésappariements, ou dMMR. Ses travaux, menés par un consortium international, l’International Replication Repair Deficiency Consortium, qui a traité des enfants dans plus de 50 pays partout dans le monde, remportaient du succès là où d’autres traitements plus traditionnels comme la chimiothérapie et la radiothérapie échouaient.
Ce traitement est depuis devenu une norme de traitement pour les enfants atteints de cancers hypermutants. Depuis ce premier article, le Dr Tabori et ses collègues ont traité plus de 100 enfants partout dans le monde. De ces enfants, entre 40 et 50 % sont toujours en vie trois ans après l’échec de la chimiothérapie et de la radiothérapie, ce qui, selon le Dr Tabori, est du jamais vu dans le cas de ces cancers malins récurrents. Si l’on ne tient pas compte des tumeurs cérébrales, le taux de réussite grimpe à 70 %. Et même dans le cas des tumeurs cérébrales, qui sont presque toujours fatales, le taux de réussite est de 30 %.
Le recours à des inhibiteurs de point de contrôle a été particulièrement réussi dans le cas des cancers ultra-hypermutants. Cela semble contre-intuitif : parce qu’il y a davantage de mutations, le cancer devrait être plus difficile à traiter. Mais le Dr Tabori explique que c’est plutôt logique. Lorsqu’il y a plus de mutations, il y a plus de cibles pour les inhibiteurs de point de contrôle et donc plus de chances de réussite.
Au moment de la parution de ce premier article, le Dr Tabori recevait du financement de BioCanRx pour trouver une façon d’utiliser l’analyse génomique pour déterminer quels enfants étaient plus susceptibles de bénéficier du traitement avec inhibiteurs de point de contrôle et quelles cellules immunitaires cibler. La cerise sur le gâteau, dit-il, serait de pouvoir vérifier la présence de ces biomarqueurs de façon non invasive.
Cinq ans plus tard, le gâteau du Dr Tabori est décoré d’une manière qui lui vaudrait des prix dans tout concours de boulangerie.
Lui et son équipe ont développé un test de caractérisation de l’instabilité génomique passe-bas (LOGIC) qui est sensible et spécifique à 100 % pour dépister les cancers hypermutants, au moyen d’échantillons de sang ou de salive. Il permet aussi de déterminer les enfants atteints de dMMR héréditaire. L’outil, qui analyse le génome du patient, peut être utilisé pour dépister rapidement des cancers hypermutants, étayer les décisions de traitement et suivre les patients atteints de ces cancers – tout ceci mieux, et à un coût moindre, qu’avec les méthodes traditionnelles.
Cela signifie que le test LOGIC permet à un oncologue au Pakistan d’envoyer un échantillon de salive d’un enfant ayant un cancer et de savoir avec beaucoup de précision si l’enfant a un cancer héréditaire. Les médecins des pays à faible et moyen revenu peuvent rapidement savoir si un enfant a un cancer hypermutant, obtenir des recommandations quant à l’inhibiteur de point de contrôle qui fonctionnerait le mieux pour cet enfant et suivre la réponse de l’enfant au traitement au fil du temps. Le test LOGIC permet aussi la détection rapide du cancer, ce qui donne lieu à de meilleurs résultats.
Et à titre d’exemple de la façon dont le financement dans un domaine, comme celui que BioCanRx a fourni pour le développement du test LOGIC, peut stimuler d’autres recherches, le Dr Tabori continue d’accroître la portée de ses travaux sur les cancers hypermutants.
Il entreprend présentement un essai clinique international ciblant des tumeurs cérébrales qui ne fera appel qu’à l’immunothérapie pour traiter ces cancers – aucune chimiothérapie ni radiothérapie. Il met aussi à l’essai des combinaisons de différentes immunothérapies pour accroître le taux de survie après que seulement un médicament ait échoué, en utilisant des modèles animaux pour tester chaque combinaison par rapport à une tumeur spécifique avant qu’elle ne soit utilisée chez des humains.
Le prochain défi de cet oncologue pédiatre infatigable? Utiliser le test LOGIC et d’autres outils pour développer un vaccin capable de prévenir les cancers hypermutants. Et ce n’est pas un rêve illusoire – cela fait présentement l’objet de recherches grâce une subvention des National Institutes of Health aux États-Unis.
« Après tout, dit le Dr Tabori, la meilleure façon de traiter le cancer est de le prévenir. »
Heather Blumenthal écrit au sujet de la santé et de la recherche en santé depuis une vingtaine d’années et n’a jamais cessé d’être fascinée par les progrès qu’accomplissent les chercheurs canadiens.