– Louise, Comment vous êtes-vous engagée dans la Fondation Sauve ta peau? Qu’est-ce qui vous a attirée vers cette organisation?
R : La Fondation Sauve ta peau a été créée et est dirigée par une survivante du cancer, Kathleen Barnard à qui, comme moi, on n’avait donné aucune chance de survie en raison de sa maladie. Elle a fait ses propres recherches et pris ses propres décisions en s’informant sur les essais cliniques offerts et sur d’autres sujets pertinents, et elle a survécu à son pronostic de plus de dix ans. J’ai survécu au mien de 27 ans. Je trouvais qu’elle avait une grande sagesse et que sa volonté d’aider les personnes dans le besoin n’était limitée que par les ressources et le temps.
J’ai voulu faire profiter la communauté oncologique de mon expérience en matière de politique de santé, au moment où des traitements innovants étaient mis au point et offerts. Ce qui est difficile, c’est de rendre ces traitements accessibles à tous, sans égard à leurs ressources financières ou à leur situation géographique, et à faire en sorte que les politiques de santé ne créent pas d’obstacles à cet accès. Kathy a compris la relation entre l’accès aux soins de santé et les politiques de santé et elle a soutenu mon travail avec ferveur.
– Parlez-nous de votre rôle dans l’organisation. Comment votre formation et votre expérience vous ont-elles préparée au travail que vous faites?
R : Mon rôle principal est de surveiller et d’évaluer les politiques de santé de tous les ordres de gouvernement et du secteur privé et de faciliter les collaborations entre les groupes de patients afin de faire entendre la voix et le point de vue des patients sur ces politiques. Pour ce faire, nous utilisons divers moyens, notamment des prises de position, des mémoires sur les politiques, la participation à des consultations, des articles de presse et des discours publics. Seuls les patients et leurs défenseurs peuvent réellement comprendre les incidences pratiques de ces politiques. Ce qui peut sembler bien sur papier peut avoir des conséquences négatives inattendues pour une partie ou la totalité des patients ou peut ne pas être pratique à mettre en œuvre. Les décideurs politiques doivent comprendre ces conséquences. J’ai eu la chance de travailler avec un groupe dévoué et infatigable de représentants de patients sur ces projets.
J’ai également été conseillère au sein de comités multipartites et d’autres groupes afin de partager de l’information sur les meilleures pratiques, les questions d’intérêt commun et afin d’examiner des solutions potentielles.
Je fais également de la recherche, en apprenant tout ce qui peut m’être utile dans mon travail du point de vue des patients.
Je fais de mon mieux pour être à la disposition d’autres personnes travaillant dans le domaine de la représentation des patients dans d’autres organisations, en tant que mentor ou simplement pour leur fournir de la rétroaction sur leurs idées et leurs préoccupations.
J’ai fait des études universitaires avec majeure en anglais et j’ai une formation d’avocate, ce qui m’a permis d’acquérir des compétences et une expérience qui m’ont été très utiles dans mon travail de défense des droits et dans la rédaction de mes mémoires. Les 18 années que j’ai passées à travailler au niveau national et international pour la communauté des patients atteints du VIH/sida m’ont beaucoup appris sur la science et en particulier sur les essais cliniques, sur le fonctionnement des systèmes de santé, sur la façon de travailler avec des populations diverses, notamment celles qui ont un accès limité aux déterminants sociaux de la santé que sont le logement, l’emploi, l’éducation et la formation, les réseaux sociaux, ainsi que sur le riche patrimoine culturel et les principes de nos communautés autochtones. J’ai également appris que, même si nous devons toujours essayer de résoudre les problèmes avec les décideurs de manière collaborative et logique, il y a des moments où le soutien public est nécessaire.
– Qu’est-ce qui vous inspire le plus dans votre travail pour la Fondation Sauve ta peau? De quoi êtes-vous la plus fière?
Je suis inspirée par les histoires des patients et de leurs familles que nous avons aidés, individuellement ou collectivement, même si nous ne réussissons pas toujours. Ce dont je suis la plus fière, ce sont les messages que je reçois des patients et de leurs représentants qui me remercient de les avoir écoutés, de m’être préoccupée d’eux et de les avoir aidés.
– La COVID-19 a posé de nombreux défis aux patients atteints de cancer et aux organisations à but non lucratif qui les soutiennent. Comment la pandémie a-t-elle affecté vos parties prenantes et votre organisation? Comment avez-vous dû vous adapter?
R : Depuis le début de la pandémie de COVID-19, j’ai également surveillé les aspects de la pandémie qui ont un impact sur les patients en oncologie et j’ai fait partie d’une équipe extraordinaire de patients et de représentants de groupes de patients qui a travaillé pour combler les lacunes dans les services aux patients et pour influencer les politiques publiques de manière à ce que les besoins distincts des patients en oncologie soient reconnus.
Les retards liés à tous les types de services, du dépistage au diagnostic en passant par les traitements, les interventions chirurgicales et les soins de suivi, ont eu des conséquences tragiques. Ces conséquences sur la santé physique et mentale de personnes déjà soumises à un stress extrême ont été déchirantes à observer. Les soins virtuels ont apporté un certain soulagement, mais n’ont certainement pas rempli le rôle que les rendez-vous et les traitements en personne accomplissent.
La collaboration entre les groupes de patients a permis la collecte de fonds pour la construction d’un site Internet contenant des liens vers des informations sur la COVID et le cancer et sur les services de santé mentale. Cette collaboration a facilité et payé les trajets en taxi de plus de 3000 patients qui ont pu se rendre à leurs rendez-vous médicaux en oncologie, et ce, à un moment où les fonds pour nos groupes sont encore plus limités qu’auparavant.
De nombreuses conférences et réunions qui se déroulaient auparavant en personne se tiennent désormais de manière virtuelle. Bien que cela présente certains avantages en termes de déplacement et d’efficacité, cela ne remplace pas les discussions informelles et les présentations qui ont lieu et qui débouchent souvent sur des idées et des projets créatifs.
Un groupe d’organisations en oncologie commence maintenant à étudier l’approche des soins virtuels pour les patients en oncologie en particulier et la façon d’optimiser son utilisation dans le continuum des soins.
La vaccination pour les patients atteints de cancer dans tout le pays est une question que les groupes de patients en oncologie ont suivie de près, tout comme leurs fournisseurs de soins de santé. Comme nous craignons que le plan actuel de vaccination et les intervalles de vaccination entraînent de moins bons résultats en matière d’immunisation des personnes immunodéprimées, y compris de nombreux patients atteints de cancer, nous nous sommes engagés dans une campagne visant à informer les décideurs et le public de nos préoccupations et à assurer que des changements appropriés soient apportés dans chaque province.
– BioCanRx se réjouit que vous présidiez le Groupe de travail de l’Alliance des intervenants contre le cancer – pourquoi était-il important pour vous d’assumer ce rôle?
R : C’est un honneur pour moi de participer à BioCanRx et de présider le Groupe de travail de l’AIC. Cette organisation de chercheurs a reconnu la valeur de la collaboration avec d’autres intervenants, notamment les patients et leurs représentants, ce qui est rare. Il est très gratifiant de faciliter cet échange bidirectionnel. Je sais que la recherche est améliorée par les expériences réelles vécues par les patients. J’ai également entendu des chercheurs qui travaillent avec des patients dire que cela a également enrichi leur expérience de recherche.
– Pour l’avenir, quels sont vos espoirs pour les organisations de lutte contre le cancer telles que la Fondation Sauve ta peau? (Par exemple, l’engagement des patients, un rôle accru dans la recherche, etc.)
J’attends avec impatience le jour où les associations de patients seront reconnues comme des partenaires égaux dans tous les aspects du continuum des soins de santé, que ce soit par leur contribution à la recherche, leur adhésion à titre de membres de tous les organismes gouvernementaux qui ont un impact sur leur vie ou leur participation à la prise de décisions significatives en matière de politique de santé de tous les ordres du gouvernement et de l’industrie privée. J’attends avec impatience le jour où les expériences vécues par les patients auront une aussi grande importance que les connaissances théoriques et les diplômes.
– Que souhaitez-vous nous dire sur votre organisation?
Je suis très heureuse que mon organisation ait reconnu l’importance d’inclure les déterminants sociaux de la santé dans tout ce qu’elle fait. Je suis également honorée que nous ayons pu établir des relations de confiance avec des collègues autochtones très inspirants qui ont ajouté de la richesse et de la profondeur à notre travail.
– Qu’aimez-vous faire en dehors du travail?
Avant la pandémie, j’aimais voyager pour le plaisir, voir de bons films, aller au théâtre et à l’opéra et avoir de longs dîners remplis de rires avec des amis, au restaurant ou sur mon patio.
Depuis la pandémie, je me suis mise au Scrabble en ligne et je dîne avec un ami qui vit seul. Je passe du temps sur mon patio, car de magnifiques cardinaux vivent dans un arbre et je peux les voir et les écoute chanter. J’ai aussi de longues conversations philosophiques avec ma compagne de tous les instants, Miss Elaine, une chatte tigrée de dix ans.