Et voilà, le tour est joué!

Par Heather Blumenthal

 

C’est presque de la magie : on met un échantillon de tumeur dans une boîte, on agite sa baguette magique au-dessus de la boîte et hop, les cellules immunitaires les plus susceptibles d’attaquer la tumeur apparaissent.

 

D’accord, ce n’est pas si simple. Ni si magique que cela. Mais c’est une option nouvelle et améliorée en immunothérapie – ou du moins elle le sera, une fois qu’elle aura atteint le stade où elle pourra être testée et approuvée pour utilisation chez l’humain.

 

Cette boîte est appelée un trieur de cellules de qualité clinique. Cet appareil de 500 000 $ est l’un des deux seuls au Canada et l’un des 20 appareils de ce genre au monde. Et il est situé au CHUM (Centre hospitalier de l’Université de Montréal), où le Dr Simon Turcotte, grâce à une subvention de projet catalyseur de BioCanRx, dirige une équipe devant faire l’essai de cet appareil et recueillir les preuves nécessaires pour présenter une demande d’essai clinique (DEC) à Santé Canada.

 

L’immunothérapie repose sur l’utilisation des lymphocytes T du patient qui infiltrent une tumeur cancéreuse et l’attaquent. Seuls, ils ne sont pas assez forts pour le faire. Mais lorsqu’ils sont multipliés en laboratoire et réinjectés au patient en bien plus grand nombre, ils ont plus de chance de réussir. Mai surtout, un grand nombre de personnes croient que lorsqu’ils sont combinés à un inhibiteur de point de contrôle, cela réduit la capacité de la tumeur à repousser les attaques du système immunitaire.

 

Le problème, dit le Dr Turcotte, c’est que tous les lymphocytes T ne sont pas créés égaux. Une poignée d’entre eux seulement sont capables d’attaquer les tumeurs. Et c’est là qu’intervient le trieur de cellules.

 

Le trieur choisit les lymphocytes T qui montrent des signes de reconnaissance de la tumeur. Ces lymphocytes T peuvent ensuite se multiplier par eux-mêmes, sans ceux qui ne sont pas efficaces, et être ensuite réinjectés au même patient.

 

Les trieurs de cellules utilisés à des fins de recherche existent depuis des décennies. Mais ce n’est que récemment que les trieurs de qualité clinique ont commencé à être commercialisés.

 

« C’est une nouveauté et cela offre de nombreuses possibilités pour la thérapie cellulaire, dit le Dr Turcotte. C’est beaucoup plus précis que ce qui était utilisé auparavant. »

 

À l’heure actuelle, le Dr Turcotte et son équipe mettent à l’essai le trieur de cellules pour le mélanome – en particulier le mélanome réfractaire, qui ne répond pas aux autres formes d’immunothérapie – parce que c’est le cancer le plus reconnu par le système immunitaire.

 

« Si cela ne fonctionne pas chez ces patients, il est peu probable que cela fonctionne chez d’autres patients », explique-t-il.

 

Ce sera l’objectif du premier essai clinique. Le deuxième essai portera sur toutes les tumeurs solides qui montrent un signe de réactivité immunitaire (ce qui, comme le souligne le Dr Turcotte, n’est pas le cas pour la plupart des tumeurs, ajoutant ainsi une dose de réalité à la discussion).

 

Il existe déjà suffisamment de données de recherche pour démontrer que le trieur de cellules est un moyen efficace d’améliorer le traitement par immunothérapie. Maintenant, le Dr Turcotte travaille à démontrer qu’il peut fabriquer un produit cellulaire d’une manière qui répond aux exigences de Santé Canada en matière d’utilisation clinique. Il s’agit notamment de montrer que ce produit est fabriqué dans un environnement contrôlé sans contaminants et qu’il peut être manipulé, cryoconservé, transporté et décongelé avec succès avant d’être utilisé chez l’humain, et que ce n’est pas une question de chance, c’est-à-dire que l’on peut faire tout cela de façon répétée et constante. Une fois ce processus terminé, le Dr Turcotte présentera sa DEC, probablement à l’automne 2019.

 

Selon le Dr Turcotte, la subvention que lui a accordée BioCanRx est essentielle au processus, car elle comble une lacune importante pour le cheminement du traitement du laboratoire à la clinique. Les autres organismes de financement de la recherche ne financent pas ce genre de recherche et les hôpitaux ne sont pas en mesure de le faire non plus.

 

Quant à l’avenir, le Dr Turcotte prévoit que de plus en plus de trieurs de cellules de qualité clinique seront utilisés au Canada par les chercheurs et les cliniciens d’un océan à l’autre. La technologie pourrait également être concédée sous licence à des entreprises du secteur privé, ce qui garantirait son utilisation généralisée pour rendre l’immunothérapie, déjà prometteuse, plus susceptible de sauver la vie des personnes atteintes de cancer.

 


 

Heather Blumenthal écrit au sujet de la santé et de la recherche en santé depuis une vingtaine d’années et n’a jamais cessé d’être fascinée par les progrès qu’accomplissent les chercheurs canadiens.