Une autre corde à notre arc

Un nouvel espoir pour les patients souffrant d’un glioblastome grâce aux nouvelles techniques d’immunothérapie

 
Par : Heather Blumenthal
 
Parmi tous nos adversaires dans la lutte que nous livrons contre le cancer, le glioblastome (GBM), une forme adulte de cancer du cerveau, est l’un des plus féroces. Les traitements peuvent tout d’abord sembler efficaces, mais, souvent, après quelques mois, lorsque la « lune de miel » est terminée, les patients font une rechute.
 
« Ce qui est triste à propos de cette tumeur, c’est qu’elle ne peut pas être guérie et qu’il n’y a presque pas de survivants » affirme la Dre Sheila Singh de l’Université McMaster à Hamilton. Elle ajoute que l’espérance de vie moyenne pour un patient souffrant de GBM est d’un peu moins de 15 mois et que le taux de survie se situe entre 1 et 2 %.
 
Toutefois, la Dre Singh est plus optimiste que bien d’autres personnes puisqu’elle travaille à la conception de ce qu’elle appelle « une nouvelle arme » dans l’artillerie contre le GBM récurrent – un traitement qui utilise le système immunitaire du corps pour s’attaquer au GBM récurrent.
 
La Dre Singh croit qu’il existe de fortes chances que nous puissions traiter un jour les récidives.
 
À ce jour, la majorité des recherches, soit de 80 à 90 % de la littérature existante, mettait l’accent sur le GBM principal. Selon la Dre Singh, ces recherches reposaient sur ce qui était disponible, soit des échantillons de tumeurs prises pendant des chirurgies liées au traitement d’un GBM principal. (La chimiothérapie et la radiothérapie viennent compléter la triade des traitements standards offerts.) Toutefois, même à l’Université McMaster, où les chirurgiens sont plus proactifs que dans la plupart des autres centres, seulement 20 % des patients souffrant de GBM bénéficient d’une chirurgie et la Dre Singh ce taux ne représente pas toutes les récidives de cancer, mais seulement les patients affichant le meilleur potentiel et qui sont les plus résistants. Donc, le premier obstacle qu’elle devait surmonter consistait à obtenir des échantillons de tumeurs récurrentes, lesquelles sont très différentes sur le plan biologique des tumeurs primaires et beaucoup plus agressives.
 

La solution qu’elle a conçue est la suivante : l’implantation de cellules souches cancéreuses – les cellules les plus difficiles à détruire – provenant d’échantillons de tumeurs primaires dans des souris immunodéprimées. Lorsque les souris ont développé un GBM, elle les a traitées comme elle aurait traité des sujets humains et elle a attendu que la tumeur récurrente se développe. Ces échantillons de tumeur récurrente développés dans des souris ont pu ensuite être comparés à des échantillons extraits de sujets humains pendant une chirurgie de tumeur récurrente.
 
« Notre modèle nous fournit des données biologiques que nous n’aurions jamais pu obtenir avec des sujets humains », affirme le Dr Singh.
 
Ainsi, son laboratoire a pu obtenir des lignées cellulaires de GBM uniques qui ne sont pas disponibles dans le commerce , explique le responsable scientifique du projet, le Dr Parvez Vora, membre du laboratoire de la Dre Singh. Le laboratoire a aussi pu analyser la tumeur récurrente pour identifier les cibles de traitement– dans le cas présent, une protéine nommée CD133, dont les récepteurs ont été découverts à la surface de cellules tumorales récurrentes.
 
L’étape suivante consistait à trouver un anticorps qui s’attaquerait à la protéine CD133. C’est ici que le collaborateur de la Dre Singh, le Dr Jason Moffatt de l’Université de Toronto, est entré en jeu. Il a créé un anticorps bispécifique – un avec deux bras de liaison et un avec des attaches à un récepteur CD133 et l’autre à un récepteur de lymphocytes T. L’anticorps, nommé BiTE (anticorps bispécifique mobilisateur de lymphocytes T), ou comme le décrit le Dr Vora, un « pont entre les cellules », relie les deux types de cellules pour que le lymphocyte T puisse attaquer et détruire la cellule cancéreuse.
 
« C’est l’arme parfaite », affirme la Dre Singh. « Le lymphocyte T ne trouve que cette cellule cancéreuse et ne détruit que cette cellule cancéreuse. »
 
Le troisième défi consistait à déterminer quelle serait la méthode idéale pour livrer l’anticorps, le sujet d’une recherche subventionnée par le programme de projets catalyseurs de BioCanRx.
 
La Dre Singh affirme que selon eux, l’anticorps BiTE franchira la barrière hématoencéphalique. Mais peut-on le livrer directement au cerveau pendant la chirurgie? Cela pourrait être une voie potentielle de livraison de l’anticorps, selon elle.
 
C’est la voie qui fait l’objet des études de la Dre Singh. Si cette voie est la bonne, elle contribuera à réduire le risque de toxicité systémique et à faire en sorte que d’autres cellules saines qui ont aussi des récepteurs CD133 ne soient affectées. La Dre Singh fait donc des expériences sur la livraison de l’anticorps directement dans le cerveau pendant la chirurgie ou sur l’implantation d’un réservoir au-dessus du crâne et sous le cuir chevelu par lequel l’anticorps pourrait être livré plus tard.
 
Elle examine aussi la voie que l’anticorps BiTE suit dans le corps jusqu’au cerveau – un examen qui, selon elle, n’est effectué que par top peu d’études. Elle pourra ainsi confirmer que sa thérapie atteint réellement sa cible et détruit efficacement les cellules tumorales. Pour ce faire, elle a relié une étiquette radioactive à l’anticorps pour étudier la façon dont il se déplace dans le corps de la souris jusqu’au cerveau et à travers la barrière hématoencéphalique – c’est-à-dire le processus PK/PD (pharmacocinétique et pharmacodynamique).
 
Une fois ces trois défis relevés, le Dr Vora croit que les essais cliniques de phase 1 sur des sujets humains seront lancés dès 2019.
 
Bien qu’il s’agisse du but visé par la subvention, cette recherche offre un autre avantage. Les tumeurs GBM sont hétérogènes, en particulier les tumeurs récurrentes – la tumeur de chaque patient est différente, aucune n’est identique. La Dre Singh croit donc que cette recherche serait idéale pour la médecine personnalisée puisqu’elle fera croître une tumeur récurrente dans son modèle murin à l’aide de l’échantillon de tumeur primaire et qu’elle pourra alors déterminer la combinaison de traitements qui sera la plus efficace pour un patient donné.
 
Une pierre deux coups dans la lutte à ce cancer mortel.
 


Heather Blumenthal est rédactrice dans le domaine de la santé et de la recherche en santé depuis plus de 20 ans et elle demeure fascinée par les progrès réalisés par les chercheurs canadiens.