Creuser en profondeur pour améliorer la thérapie T-CAR

Par Heather Blumenthal

 

 

La thérapie par récepteur de l’antigène chimérique (T-CAR) peut être comparée à un plat « doux-amer » – quand elle est efficace, elle est très, très efficace, mais quand elle n’est pas efficace, elle laisse un goût amer.

 

En effet, quand la thérapie T-CAR fonctionne, elle est très, très efficace. En fait, elle change la donne pour les personnes atteintes de cancers du sang tels que la leucémie ou le lymphome pour lesquelles d’autres traitements n’ont pas fonctionné. Les patients ne se font plus dire de « mettre de l’ordre dans leurs affaires »; ils se font dire « d’aller de l’avant et de profiter de la vie ». Mais, et c’est un important mais, pour bien des gens, la thérapie T-CAR ne fonctionne pas ou ces gens peuvent même ne pas y être admissibles. Comme si cela ne suffisait pas, la thérapie T-CAR est coûteuse, car elle est personnalisée aux propres cellules immunitaires de chaque patient. Il faut donc que les patients puissent bénéficier de la thérapie, principalement pour eux-mêmes, mais aussi pour assurer le rapport qualité-prix. Dans ces circonstances, il devient particulièrement important de déterminer quels patients bénéficieront de la thérapie T-CAR et dans quelles conditions.

 

C’est la tâche que Dean Fergusson, scientifique principal et directeur du Programme d’épidémiologie clinique à l’Institut de recherche de l’Hôpital d’Ottawa, a assumée, dans le cadre d’un projet soutenu par BioCanRx et intitulé « Identification des effets modificateurs de l’efficacité thérapeutique des cellules T-CAR ». C’est une façon élégante de dire que lui et son équipe explorent les données des essais cliniques, qui sont normalement consignées au niveau agrégé, au niveau de chaque patient pour obtenir plus d’informations sur les patients qui bénéficient le plus de la thérapie T-CAR et dans quelles conditions.

 

« Il est tellement plus enrichissant d’examiner les données individuelles des patients », explique le Dr Fergusson.

 

Le processus et ses avantages semblent évidents, et la première question qui nous vient à l’esprit est de savoir pourquoi cela ne se fait-il pas systématiquement avec toutes les données d’essais cliniques? La réalité, cependant, est que cela est plus complexe qu’il n’y paraît et, bien que ce ne soit pas aussi coûteux que la recherche biomédicale fondamentale, cela exige beaucoup de main-d’œuvre.

 

La première complexité est le nombre d’essais. Le Dr Fergusson tente d’analyser tous les essais de thérapie T-CAR menés dans le monde entier. Il y a trois ans, il y avait 42 essais de thérapie T CAR pour les cancers du sang. Il y a un an, ce nombre était passé à 100. Aujourd’hui, estime le Dr Fergusson, il y a probablement environ 120 études portant sur quelque 2 000 patients.

 

La deuxième complexité est simplement d’avoir accès aux données de tous ces essais. Cette partie du projet se déroule bien, seuls quelques essais étant inaccessibles parce qu’ils ont été menés par l’industrie et que les données sont exclusives.

 

La troisième complexité est que, bien que l’Hôpital d’Ottawa recueille et conserve des données individuelles pour tous ses essais cliniques, les données d’autres centres ne sont pas facilement accessibles.

 

La quatrième complexité en est une qui est de plus en plus courante dans un monde de mégadonnées : veiller à ce que toutes les données soient sous une forme à la fois accessible et comparable et être en mesure de retirer toutes les informations d’identification des données.

 

Et tout d’un coup, cette approche incroyablement évidente est peut-être encore évidente, mais elle n’est en aucun cas simple.

 

Pourtant, le Dr Fergusson et son équipe ont des données pour environ 1 200 patients. Ils analysent ces données pour obtenir des informations sur les patients eux-mêmes, tels que l’âge, le sexe, le type et le stade de leur cancer et le nombre et le type de thérapies antérieures qu’ils ont reçues.

 

Ils examinent également des informations sur le traitement reçu, comme la dose reçue par les patients et la date à laquelle le traitement a été administré.

 

Enfin, ils examinent les données de fabrication, telles que les processus utilisés pour fabriquer les cellules T-CAR, puis pour utiliser les cellules pour enrichir les propres cellules immunitaires du patient, les agents de conditionnement utilisés, etc.

 

L’équipe utilise ensuite ces données pour établir quels facteurs, par exemple les patients eux-mêmes, le processus de traitement ou le processus de fabrication, renforcent l’efficacité de la thérapie T-CAR.

 

« Lorsque nous avons des données au niveau individuel, nous pouvons déterminer l’efficacité et les inconvénients du traitement pour chacun de ces facteurs », explique le Dr Fergusson. « C’est un outil incroyablement puissant. »

 

Le Dr Fergusson, cependant, ne veut pas s’arrêter là. Son objectif est d’en faire une étude « vivante », en examinant et mettant à jour les données tous les deux ans à la lumière des nouvelles études réalisées et des nouvelles informations obtenues.

 

L’un des avantages de BioCanRx est que l’organisme a établi des réseaux de chercheurs. Le Dr Fergusson utilise ces réseaux pour que les utilisateurs des connaissances – les personnes qui mènent les essais cliniques de la thérapie T-CAR et supervisent son utilisation en clinique – participent à l’étude. Il contribue ainsi à faire en sorte que les connaissances qu’il a acquises grâce à cette étude puissent être appliquées directement pour assurer le plus grand succès de la thérapie T-CAR et l’amélioration des résultats pour les patients.

 


 

Heather Blumenthal écrit au sujet de la santé et de la recherche en santé depuis une vingtaine d’années et n’a jamais cessé d’être fascinée par les progrès qu’accomplissent les chercheurs canadiens.