Plonger profondément dans la cavité abdominale

Par Heather Blumenthal

 

Êtes-vous en mesure de voir cette image dans votre esprit : votre foie flotte autour de vos poumons ou votre vésicule biliaire s’enfonce jusqu’à vos genoux. Ce n’est pas une belle image et, heureusement, cela n’arrive pas, grâce à votre péritoine – une paroi de la cavité abdominale qui maintient tous vos organes abdominaux en place.

 

Et, toujours soucieux de ne pas être exclu, lorsque l’un de vos organes abdominaux développe un cancer (côlon, estomac, ovaires, etc.), le péritoine peut aussi abriter des tumeurs de ce cancer en se propageant. C’est ce qu’on appelle la carcinomatose péritonéale et c’est l’une des principales causes de décès chez les personnes atteintes d’un cancer abdominal. Il cause une distension abdominale, ce qui fait en sorte que les patients ont de la difficulté à manger ou à respirer. Et c’est difficile à traiter. Actuellement, la chimiothérapie est le traitement standard, souvent en association avec la chirurgie pour réduire le volume des tumeurs, ou un type spécial de chimiothérapie portant le nom de chimiothérapie hyperthermique intrapéritonéale ou CHIP. Cependant, peu importe l’option choisie, le traitement de la carcinomatose péritonéale est rare.

 

Cela pourrait changer si la Dre Rebecca Auer obtient ce qu’elle souhaite. La directrice de la recherche sur le cancer à l’Hôpital d’Ottawa détient une subvention pour projet catalyseur de BioCanRx afin de tester l’utilisation de l’immunothérapie dans le traitement de la carcinomatose péritonéale. Son travail dans le cadre de ce projet vise à obtenir les données probantes requises pour procéder à des essais cliniques et, dit-elle, cela semble prometteur.

 

Dans le cadre de cette recherche, on utilise un virus oncolytique (qui combat le cancer) appelé virus de la vésiculostomatite, ou VVS, un proche parent du virus Maraba, qui fait actuellement l’objet d’essais cliniques au niveau local. Le VVS de la Dre Auer exprime une protéine immunostimulante appelée interleukine-12 (IL-12). Le virus est utilisé pour infecter les cellules tumorales du patient, créant ainsi un vaccin à cellules infectées (VCI), qui exprime ensuite l’IL-12 et, lorsqu’il est réinjecté au patient, stimule son système immunitaire pour attaquer la tumeur. Le laboratoire de la Dre Auer teste actuellement le VCI sur sept modèles animaux, ayant chacun un cancer abdominal primaire différent qui s’est étendu au péritoine.

 

L’autre volet du projet porte sur la façon de fabriquer le VCI, une fois qu’il est entièrement optimisé et que le dosage approprié est déterminé. La fabrication doit respecter les bonnes pratiques de fabrication (BPF) pour que le produit soit fabriqué selon les normes les plus élevées d’efficacité et de sécurité pour l’usage humain. Cela doit être fait avant qu’un essai clinique chez l’humain puisse commencer.

 

« Il semble que cela devrait être assez simple, mais il y a beaucoup de choses à faire, affirme la Dre Auer. Les recherches montrent qu’il est important d’avoir un bon produit, fiable à chaque fois. »

 

Elle s’attend à ce que les essais cliniques commencent au cours des deux prochaines années et à ce que ces essais facilitent l’identification des patients qui bénéficieront du traitement, mais, surtout, des patients qui n’en bénéficieront pas. « En déterminant les raisons pour lesquelles certains patients bénéficieront du traitement et d’autres n’en bénéficieront pas, dit-elle, nous obtiendrons des renseignements importants pour l’élaboration d’une stratégie de traitement pour ce dernier groupe. »

 

Ce projet revêt une grande importance pour des raisons qui paraissent évidentes : il pourrait aider à sauver la vie de personnes atteintes d’une carcinomatose péritonéale, des personnes qui n’avaient auparavant que très peu d’espoir. Mais il s’agit également d’un projet pilote pour la Dre Auer, qui a été nouvellement nommée directrice de la recherche sur le cancer à l’Hôpital d’Ottawa et qui vise à rassembler les gens pour faire progresser la recherche translationnelle.

 

« Nous nous efforçons de créer un processus plus rapide et plus rationalisé pour la recherche translationnelle, explique-t-elle. Ottawa possède une expérience inégalée au Canada en matière de développement du virus oncolytique et d’essais cliniques. Nous avons la responsabilité de mettre les thérapies à la disposition des patients plus rapidement. »

 


 

Heather Blumenthal écrit au sujet de la santé et de la recherche en santé depuis une vingtaine d’années et n’a jamais cessé d’être fascinée par les progrès qu’accomplissent les chercheurs canadiens.