Les macrophages et l’immunothérapie contre le cancer

Par : Heather Blumenthal
 

Dr. Sachdev Sidhu

Tout a commencé il y a cinq ans par une simple question : si on peut activer les lymphocytes T pour lutter contre le cancer, pourquoi ne pourrait-on pas activer autre chose que les lymphocytes T? De quelle autre façon pourrait-on faire progresser les réponses immunitaires contre le cancer? »
 
Cette question, c’est celle que se sont posée le Dr Sachdev Sidhu de l’Université de Toronto et ses collaborateurs, et ce n’était pas une question anodine. Après avoir examiné en profondeur les différents éléments du système immunitaire, le Dr Sidhu a décidé de concentrer ses travaux sur les macrophages, des cellules qui jouent un rôle déterminant dans le système immunitaire en regroupant les cellules usées et d’autres débris de l’organisme et en se nourrissant de ces cellules et débris, mais qui agissent aussi comme déclencheurs des réponses immunitaires contre les pathogènes. Il a examiné en particulier une paire de protéines : les protéines SIRPα et CD47.
 
La protéine SIRPα est exprimée à la surface des macrophages et bloque l’activation des macrophages lorsque liée à la protéine CD47, ce qui empêche la détection des cellules cancéreuses. La protéine CD47 est sur exprimée dans la plupart des tumeurs cancéreuses et elle transmet le signal « ne pas éliminer » qui empêche le système immunitaire d’attaquer les cellules cancéreuses. Parmi les nombreux anticorps thérapeutiques potentiels conçus dans le laboratoire du Dr Sidhu à l’aide de sa technologie d’avant-garde de fabrication d’anticorps synthétiques, un de ces anticorps empêche la protéine CD47 de bloquer les réponses immunitaires (que l’on nomme un inhibiteur de point de contrôle) tout en empêchant la protéine SIRPα de bloquer l’activation des macrophages. Il en résulte un macrophage plus puissant qui s’attaque aux nouvelles cellules cancéreuses vulnérables.
 
Le laboratoire a utilisé des souris humanisées, soit des souris ayant un système immunitaire humain, comme plateforme efficace d’essai de ce nouvel anticorps. Jeffrey Hao, associé de recherche au laboratoire du Dr Sidhu et responsable de ce projet en particulier, est très heureux d’affirmer que ce processus fonctionne. L’anticorps a démontré une grande efficacité contre les tumeurs. Les macrophages activés ont détecté les cellules tumorales et ont enclenché une attaque immunitaire, tandis que la désactivation de la protéine CD47 a fait en sorte que la cellule cancéreuse ne pouvait aucunement se défendre contre ses attaquants.
 
Le Dr Sidhu prévoit qu’un nouveau médicament basé sur cet anticorps pourrait faire l’objet d’essais cliniques d’ici un an.
 
Il négocie aussi un accord de partenariat novateur avec MedGenome, la plus grande société de données génétique en Inde. Outre le financement, MedGenome mettrait aussi à la disposition des chercheurs son vaste ensemble de données génomiques, des données nécessaires pour déterminer quels sujets répondront bien à la thérapie.
 

Membres du laboratoire du Dr Sachdev Sidhu : (au centre) le Dr Sachdev Sidhu, chercheur principal de BioCanRx; (à l’extrême droite ) le Dr Jeffrey Hao, associé de recherche principal pour ce projet.

« Pour le moment, nos efforts ne sont pas concentrés sur le cancer du sein ou le myélome, affirme le Dr Sidhu. Nous étudions des sous-ensembles de nombreux cancers différents qui répondront à des thérapies semblables. Donc, une tumeur du cancer de la prostate qui a une composition génétique spécifique peut bien répondre à la même thérapie qu’une tumeur du cancer du côlon qui a la même empreinte génétique, mais peut ne répondre aucunement à une autre thérapie contre le cancer de la prostate. Afin de déterminer quels sujets répondront le mieux aux différentes thérapies, il faut des données – beaucoup de données – sur la composition génétique des tumeurs cancéreuses. MedGenome possède de telles données. »
 
Mais le Dr Sidhu a d’autres questions en tête. Des questions comme « pourquoi s’arrêter aux macrophages et pourquoi ne pas trouver un anticorps pouvant aussi activer les lymphocytes T? », une approche qu’il compare à une approche « cocktail ».
 
De fait, selon le Dr Sidhu, son anticorps et les autres travaux qui sont accomplis un peu partout dans le monde changent la donne. Et il sait ce qu’il dit. En tant que cofondateur du centre des anticorps recombinants (Recombinant Antibody Centre ou TRAC) de l’Université de Toronto, il œuvre au développement d’immunothérapies depuis plusieurs années. De concert avec son cofondateur du TRAC, le Dr Jason Moffat, le Dr Sidhu a récemment fait équipe avec le Dr Max Krummel de l’Université de la Californie à San Francisco, co-inventeur de la première immunothérapie d’ingénierie à être approuvée par l’American Food and Drug Administration. Les docteurs Sidhu et Krummel ont cofondé Pionyr Immunotherapeutics à San Francisco pour transformer leurs recherches en réalité. En décembre 2017, Pionyr a rassemblé 62 millions de dollars (US) auprès de différents investisseurs pour la tenue d’essais cliniques sur des sujets humains.
 
Maintenant, avec le soutien de BioCanRx, le Dr Sidhu fait de Toronto un joueur majeur dans le développement d’anticorps pour les immunothérapies contre le cancer.
 


Heather Blumenthal est rédactrice dans le domaine de la santé et de la recherche en santé depuis plus de 20 ans et elle demeure fascinée par les progrès réalisés par les chercheurs canadiens.